Pierre, l'évacuation solidaire

Pierre Neyret, bientôt 91 ans, vit seul dans un petit appartement de plain-pied aux Sycomores, résidence pour personnes âgées à Saint-Symphorien. En juillet 2022, les fumées provoquées par les incendies tout proches, forcèrent à évacuer préventivement les résidents vers Langon. Pierre faisait partie du voyage.

Pierre n’a pas froid aux yeux. Ancien militaire de l’Armée de l’Air, atterri à la Base de Mérignac en 1963, il n’a plus quitté la Gironde. Il sourit :

« Passionné par les abeilles, je suis devenu apiculteur à Saint-Symphorien, et vendais du miel en gros. Mais je faisais aussi les marchés, pour le contact ! » 

Armé de ses deux cannes, Pierre chemine encore quotidiennement vers la place du village, pour rencontrer les gens et partager sa connaissance des plantes avec lesquelles il se soigne. Il lance en riant :

« Je suis conservé ! » 

À deux heures du matin, quand l’employé de la commune a frappé à sa porte, il n’a pas hésité un instant : « J’ai pris mon baise-en-ville et suis parti. »

 

protection des personnes

Plus sérieusement, il ajoute :

« Les médicaments dans ma sacoche, je suis monté dans l’ambulance de la Sécurité civile. Nous étions surpris par la situation mais les fumées arrivaient, il fallait partir ! La peur n’existe pas, on la crée et je me suis
senti protégé. »

Direction le gymnase du Collège Toulouse‑Lautrec à Langon, où Pierre restera une semaine. Sur place, Croix rouge, bénévoles, infirmières, auxiliaires de vie du CIAS, élus, agents municipaux et médico-sociaux du Pôle territorial des solidarités du Département, tous étaient sur le pont pour accueillir les évacués arrivés en masse.

« Les gens déprimaient pour leur maison ou leurs animaux restés chez eux. C’était la fin et la misère du monde… Mais tous ont compris que c’était pour leur protection. Lit de camp et repas simples, je n’ai manqué de rien. Il y avait même une bonne ambiance...» 

Jérôme Guillem, maire de Langon, passait chaque jour, apportait des croissants et rassurait. La commune nourrissait les pompiers, centralisait les dons, et les pharmacies fournissaient les produits d’hygiène.

 

Étroite coopération

Alexandra Barbeau, responsable du Pôle seniors de la CDC du Sud‑Gironde, était la cheville ouvrière des soins à domicile et des portages de repas aux personnes âgées ayant refusé l’évacuation. Elle explique :

« Nous avons coopéré étroitement avec Catherine Dusseau, médecin Autonomie au Pôle territorial, mis en place le lien avec le CLIC, recensé les habitants restés seuls à domicile, assuré le passage de l’évaluatrice pour jauger leur autonomie et leurs besoins. Nous avons aussi pris en charge les difficultés psychologiques, fait renouveler les ordonnances, coordonné et orienté vers les familles d’accueil et les Ehpad, souvent complets. »

Un véritable travail de proximité entre les acteurs locaux et le Département, à sa place de maillon solidaire. Catherine Dusseau, émue, précise :

« Nous avons parfois dû prêter assistance aux personnes âgées sur le trottoir lorsqu’elles attendaient un placement ; le centre ne recevant pas les personnes en perte d’autonomie. Des moments jamais vécus… Pierre les a surmontés mais pour certains, ils restent douloureux. Nous travaillons à un système de coordination plus sophistiqué avec les communes qui doivent considérer les personnes vulnérabilisées, pendant, mais aussi avant, et après la crise. »

Car il y a le retour à la maison avec un sac de produits de première nécessité pour tenir quelques jours… Puis, la reprise du quotidien rythmé par le réconfort des aides à domicile.

Portrait à découvrir dans RESSOURCES & TERRITOIRES automne 2023

Contacts

Pôle seniors - Centre intercommunal d’action social (CIAS)
CDC du Sud Gironde
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