Fondements naturels et humains des paysages

Les fondements naturels et humains permettent d’expliquer d’où vient la diversité des paysages Girondins. Il s’agit d’une compréhension en profondeur du cadre de vie, qui trouve ses origines dans des dispositions naturelles et humaines. C’est bien la relation des hommes à leur environnement qui a constitué cette multiplicité de paysages, et c’est elle que l’on cherche à décrypter dans ces pages.

 

Le territoire, écrit A. Magnaghi, auteur du « projet local », est une œuvre d’art, peut-être la plus belle, la plus collective que l’humanité ait réalisée. Il est le fruit d’un acte d’amour : il naît de la fécondation de la nature par la culture.

Pour décrypter cette relation « amoureuse », huit chapitres se succèdent ci-dessous.

Géologie et paysage

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Le département de Gironde présente des paysages étonnamment contrastés entre sa partie est, plutôt collinéenne, et sa partie ouest, aplanie pour former l’immense plateau "landais". L’axe Garonne-Gironde marque la rencontre entre ces deux mondes.

L’histoire géologique permet de comprendre l’origine de cette dichotomie paysagère si marquée. Elle permet également d’identifier les matériaux naturels devenus constitutifs des architectures traditionnelles rencontrées et de la personnalité des différents paysages. Enfin, la géologie explique la formation des sols à l’origine de mises en valeur bien spécifiques des différents terroirs, distinguant des paysages diversifiés.

1- Un vaste triangle ouvert sur l’océan
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Le bassin d’Aquitaine est une dépression triangulaire très étendue et largement ouverte sur l’océan. Sa structure se poursuit d’ailleurs au large, sous l’Atlantique, par le plateau Aquitain et le plateau des Landes, qui appartiennent au domaine continental : la côte actuelle correspond à un temps climatique "t" mais ne se matérialise pas par une morphologie particulière du socle. Elle a d’ailleurs considérablement varié au cours du Quaternaire (entre -2 millions d’années et aujourd’hui) et évolue encore de nos jours. Au nord, à l’est et au sud, le bassin est bordé par des reliefs montagneux, plus ou moins marqués : Massif Armoricain, Massif Central et Pyrénées. Ceux-ci en forment les frontières depuis le Paléozoïque (entre -542 et -251 millions d’années).

2- La formation du socle géologique, fin du secondaire et tertiaire
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Le socle de la Gironde est constitué principalement de roches sédimentaires, déposées depuis la fin de l’ère secondaire (crétacé supérieur : -100 à -65 millions d’années). Au sud-ouest, les formations du crétacé sont aujourd’hui enfouies à plus de 2000 m de profondeur : c’est dans cette fosse que sont exploités quelques gisements pétroliers (au cœur de la forêt domaniale de La Teste, entre le Bassin d’Arcachon et l’étang de Cazaux), grâce à des forages atteignant -3000 m. Des prospections étaient encore menées ces dernières années pour localiser de nouveaux gisements. D’autres traces rocheuses de cette époque affleurent très ponctuellement au sud de Bordeaux.

Dans l’Entre-Deux-Mers et sur les rives des grands axes fluviaux, les formations tertiaires (de -65 à -1,8 millions d’années) sont majoritaires. Au nord-est du département (Double, Landais, marges de la Double Saintongeaise) se sont accumulées de grandes nappes de sables et d’argiles, en provenance du Massif Central : les sols acides de ces régions sont occupés notamment par des boisements de pins maritimes - rappelant la forêt des Landes girondines - aux sous-bois marqués par la fougère aigle. Depuis les Pyrénées se sont répandues des molasses (grès cimentés par des calcaires argileux), du sud de la Gironde jusque dans le Fronsadais. Pour le reste du territoire, on trouve principalement des calcaires - que ceux-ci soient lacustres (Plassac, Castillon-la-Bataille) ou marins (dus à de nombreuses périodes de recouvrement par l’océan) - qui forment au long des fleuves de longues falaises, éléments dominants des paysages des vallées.

Les facteurs principaux de la création des paysages girondins actuels sont intervenus bien plus tard, durant l’ère quaternaire (à partir de -1,8 millions d’années) : d’importants mouvements tectoniques et évolutions climatiques ont alors entraîné une profonde transformation de ces territoires.

3- L’apparition de la diagonale Garonne-Gironde
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L’apparition de la faille de la Garonne, au Pléistocène moyen (de 800 000 à 420 000 ans avant aujourd’hui), est l’un de ces évènements majeurs : le socle calcaire commun à l’ensemble du bassin se scinde en deux, la partie ouest s’effondrant, et le fleuve s’installe au long de cette flexure, sous un escarpement dont la dénivellation atteint 40 à 50 m. Celui-ci reste toujours bien visible et précieux dans les paysages de la vallée de la Garonne et dans ceux de l’estuaire : des coteaux bien marqués se dessinent, qui jouent à la fois le rôle de "vitrine / présentoir" depuis la plaine, et de "balcon" depuis les hauteurs.

Ce même socle calcaire originel s’est ainsi retrouvé profondément enfoui à l’ouest de la faille suite à cet effondrement, recouvert d’une importante couche de sédiments épandus par les fleuves et rivières. Du côté est, il est à l’inverse affleurant et offert aux éléments qui ont poursuivi le modelage des paysages par l’érosion : de larges vallées ont ainsi été creusées par les cours d’eau, par étages successifs. On peut trouver sur les terrasses alluviales successives les couches de graves des Pyrénées qui, en parallèle de ces changements morphologiques, ont été épandues massivement depuis l’Entre-Deux-Mers jusqu’à l’embouchure de l’estuaire. Ces graves vont jouer un rôle considérable dans les paysages et l’économie girondine en étant favorables à la présence de la vigne. Les mouvements souterrains des roches dures se sont aussi traduits par des reliefs bosselés en surface, notamment au sein de l’Entre-Deux-Mers.

4- La genèse des sables des Landes
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Les climats changeants du quaternaire ont entraîné d’importantes modifications du niveau de la mer pendant cette période. La couche sédimentaire occupant la partie ouest a ainsi successivement été couverte par les eaux ou laissée exposée sur de très vastes surfaces, l’océan étant descendu jusqu’à -120 m par rapport à aujourd’hui. Pendant l’Holocène (10 000 dernières années), les très forts vents d’ouest ont transporté de grandes quantités de sable ainsi mis à nu, le triant et le déposant plus à l’est.

Deux couches se superposent donc bientôt :

  • un étage inférieur constitué de sables, de graviers (voire de galets) et d’argiles, issus des épandages fluviatiles pléistocènes ; épais d’une centaine de mètres au niveau du littoral, il s’amenuise en approchant les reliefs continentaux ;
  • un niveau supérieur épais de quelques mètres, constitué de grains très homogènes de sable fin, émoussé et dépoli, conséquence des dépôts éoliens de l’Holocène : le véritable sable des Landes, qui provient donc du remaniement des sédiments qu’il surmonte.

La remontée progressive du niveau des mers (vers -10000) aura à son tour un impact important, favorisant le comblement des marais littoraux et apportant quantité d’alluvions dans les basses vallées (palus).

5- La formation du cordon dunaire littoral
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Au cours de périodes plus proches, des précipitations importantes entraînent le creusement de nouvelles vallées dans la plaine littorale : une partie des sables à proximité de ces cours d’eau s’est alors trouvée entraînée vers l’océan. Avec la fin de ces précipitations, ces sables, mal évacués, s’accumulent sur le littoral.

Une nouvelle période d’activité éolienne remodèle alors ces paysages, transportant ces sables pour les accumuler en hautes dunes continentales, avant de les déformer et de les repousser vers les terres. Au néolithique, le vent n’a plus assez de puissance pour transformer de nouveau ces masses de sable, et la végétation envahit ce paysage et fixe les dunes : au long des côtes, 200 000 ha de boisements naturels s’installent, et maintiennent en place une grande partie des sables. Néanmoins, sur la frange littorale, une bande de sable reste libre, et un étroit cordon dunaire continue à évoluer, sans cesse en mouvement selon les vents.

Du fait de l’action des vents marins, soufflant toujours dans la même direction, les dunes littorales prennent deux formes principales, selon le développement de la végétation. Tant que celle-ci ne s’installe pas, on observe la formation de barkhanes, dunes en demi-lune dont la face exposée au vent est convexe. Lorsque la végétation apparaît, elle tend à stabiliser les extrémités de la masse sableuse, l’action des vents se concentre alors sur la partie centrale, qui poursuit son avancée : la dune prend une forme en U, dont la partie concave, à l’inverse, fait face aux vents.

Cet ensemble de dunes sableuses constitue une barrière physique nette entre la plaine des Landes et l’océan Atlantique. Pour les cours d’eau qui drainent ce territoire, peu vigoureux étant donné l’extrême planéité du relief, cette limite est infranchissable : au lieu d’avoir l’océan pour exutoire, ces eaux créent des étangs permanents aux pieds des dunes, tout au long de la côte. La seule exception est le bassin d’Arcachon, où le cours de L’Eyre est parvenu à franchir cette barrière, transformant l’étang en lagune. Au creux des vallonnements qui séparent les dunes, des zones plus humides se développent parfois : ce sont les lettes. Marais, étangs ou prairies humides, selon le niveau de l’eau, elles accueillent une flore et une faune différentes au cœur de ces déserts sablonneux.

6- L’exploitation des pierres et du substrat
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Alios et garluche

Au sein des couches superficielles des sables des Landes peut se développer un nouvel horizon : l'alios. Lorsque les conditions sont réunies (percolation des eaux de pluie, remontée de la nappe) une partie des sables présents est cimentée par l’action conjuguée du fer et de la matière organique. L'alios ne forme pas une couche continue mais des plaques, dont l’épaisseur peut aller de 0,1 à 2 m et qui peuvent être plus ou moins profondes selon la qualité des sols (en général vers 1 ou 2 m sous la surface sableuse). Sorte de grès mal cimenté spongieux, il peut ralentir fortement la descente des eaux dans le sol. C’est cette propriété, associée à l’absence de pente, qui a entraîné le développement de landes très humides sur une large partie de cette plaine sableuse.

Selon sa teneur en fer, l’alios sera plus ou moins friable. Certains agrégats peuvent être brisés à la main tandis que d’autres sont de véritables grès. On les appelle alors des garluches (ou pierres des Landes). Celles-ci ont longtemps été utilisées localement comme matériau de construction. Disponibles en faible quantité, elles servaient notamment à la mise en place de soubassements, destinés à isoler de l’humidité les murs de la maison - élevés en structures de bois et torchis (seuls matériaux disponibles localement) - ou bien à la réalisation de murs, notamment pour des bâtiments plus importants (églises, mairies). Ces pierres ont également fait l’objet d’exploitation sidérurgique au XIXème siècle (malgré une teneur en fer qui reste assez faible). En ajoutant un emploi important pour paver les routes, ces usages divers on fait que tous les gisements conséquents sont aujourd’hui épuisés, et la garluche, encore recherchée, n’est plus employée qu’à titre décoratif

Calcaire

Le calcaire à astéries, roche sédimentaire du Stampien (première période de l’Oligocène, de -34 à -28 millions d’années), a été extrait très tôt comme matériau de construction : tendre et facile à travailler, il présente aussi de bonnes qualités de résistance s’il est bien mis en œuvre (la porosité de cette roche lui confère une meilleure unité avec le mortier). Avant la viticulture, son exploitation était d’ailleurs un secteur économique majeur, qui engendrait de nombreuses activités : forgeron, charretier, gabarier, tailleur de pierre, marchand pierrier... Deux méthodes étaient utilisées : l’extraction souterraine, qui permettait de produire des pierres de taille, et l’extraction par tombée, qui se pratiquait sur les parois des falaises et fournissait des moellons.

Les exploitations se sont concentrées sur différents secteurs au fil du temps : le Bourgeais à l’époque gallo-romaine ; la juridiction de Saint-Emilion et les Hauts de Garonne durant le bas Moyen-Âge ; le Fronsadais et les Côtes de Garonne au XVIIème siècle ; le Sauternais et l’Entre-Deux-Mers au XIXème siècle. La qualité du matériau, sa facilité d’exploitation, mais aussi la proximité des cours d’eau pour le transport, étaient déterminants. On peut distinguer deux types de pierre selon les zones d’exploitation. En amont de Bourg, on produit une roche dure, taillée en blocs de grande dimension (d’abord par des galeries souterraines, et plus récemment à ciel ouvert) ; tandis qu’en aval la pierre est plus tendre (produite par galeries souterraines, mais aussi par tombée).

La pierre de Roque-de-Thau a été utilisée très tôt pour édifier les monuments de Bordeaux, dès l’époque gallo-romaine. Au fil du temps, la qualité et la couleur du calcaire local ont marqué durablement et valorisé considérablement les paysages de la Gironde, aussi bien en ville (nombreux monuments de Bordeaux, façades des quais de la Garonne) que dans les campagnes (châteaux, églises et fermes sur l’ensemble du territoire). Ce matériau n’était pas réservé aux bâtiments prestigieux, mais aussi utilisé pour des constructions communes, ce qui explique, aujourd’hui encore, sa forte présence dans les paysages.

En fin d’exploitation, les galeries étaient souvent réemployées en tant que champignonnières, surtout vers la fin du XIXème siècle ; un habitat troglodytique s’est également développé au XIXème siècle. Certaines carrières souterraines furent de nouveau investies, mais à ciel ouvert. Aujourd’hui, une production est maintenue, notamment pour des chantiers de rénovation de monuments ; les champignonnières, quant à elles, ont progressivement cessé leur activité dans les années 1980. Abandonnées, les exploitations à ciel ouvert s’enfrichent et s’effacent des paysages, seules les anciennes exploitations par tombée ont laissé une marque visible sur les falaises des coteaux. Les carrières de Prignac-et-Marcamps, juste en amont de Bourg, fournissaient un matériau réputé pour sa qualité ; encore en activité aujourd’hui, l’extraction à ciel ouvert marque les paysages de la commune.

Granulats

L’exploitation des substrats représente aujourd’hui encore une activité importante. Que les prélèvements s’effectuent dans les vallées (lit majeur ou mineur des cours d’eau) ou sur le plateau Landais, leur impact sur le paysage est souvent important et durable. Ainsi, les extractions dans le lit même de la Garonne - aujourd’hui interdites - ont transformé le cours d’eau, faisant disparaître notamment les vastes plages de graves qui le bordaient. Quant aux gravières et sablières, elles laissent une fois délaissées des excavations dont la reconversion est difficile, séquelles bien visibles sous la forme de nombreux plans d’eau.

Morphologie et paysage

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Des reliefs peu marqués, organisés par l’axe Garonne-Gironde

La morphologie est le premier critère de différenciation des paysages. Elle conditionne non seulement les sols et l’occupation des sols, mais aussi le regard que l’on porte dessus, en ouvrant les vues ou au contraire en les masquant. En outre, elle reste l’élément le plus stable à échelle de temps humaine.

L’apparition de la faille de Garonne, événement majeur de la constitution des paysages du département, a largement organisé ce territoire autour d’une diagonale nord-ouest / sud-est. Cette structure principale se lit encore très clairement aujourd’hui dans les reliefs girondins, qui déterminent deux vastes entités séparées par cet axe Garonne-Gironde. À l’est de cette ligne apparaissent des reliefs (calcaires) qui prolongent ceux du Massif Central, tandis qu’à l’Ouest s’étend sur le département une partie de l’immense nappe sableuse du triangle des Landes, quasi horizontale. Les roches girondines, peu résistantes, n’ont pas laissé de lignes de relief très marquées. Deux modelés de terrains marquent cependant fortement ces paysages : les coteaux et les dunes.

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1- Les paysages collinéens
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Les socles les plus anciens, qu’il s’agisse des calcaires de l’Entre-Deux-Mers (Oligocène et Miocène, -10 à -37 millions d’années) ou des argiles, sables et graviers des terres du nord (Eocène, -37 à -55 millions d’années), ont longtemps offert leur surface aux attaques du vent et de l’eau. Aujourd’hui s’étendent ici des reliefs de collines arrondies, aux vallons plus ou moins profonds, résultats de cette lente érosion sur des roches malléables. La variété des pentes, de leurs expositions et des substrats qui les recouvrent offre, dans toute la moitié nord-est du département, une mosaïque complexe support de multiples usages agricoles. C’est donc à l’est de l’axe Garonne-Gironde que se trouvent les paysages les plus variés, autant par la configuration de leurs reliefs (collines plus ou moins arrondies, plateaux découpés de vallons, vallées plus ou moins larges, coteaux raides ou douces plaines...) que par l’occupation humaine du territoire.

2- Les paysages de coteaux
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Les reliefs stratégiques du département pour les paysages (ceux pour lesquels existent des enjeux d’évolution à maîtriser importants), se cristallisent le long de l’axe Garonne-Gironde, sous forme d’un long ruban de coteaux calcaires courant sur la rive est. Ils ouvrent des vues en balcon sur les fleuves et, au-delà, sur les immensités sableuses des Landes. Inversement, ils s’offrent à voir aisément depuis la rive opposée du fait des dégagements importants qu’autorise la surface horizontale des eaux du fleuve. À ces coteaux de l’axe s’ajoutent ceux de la rive droite de la Dordogne, de Bourg à Fronsac et de Saint-Emilion à Castillon-la-Bataille, et ceux de sa rive gauche qui matérialisent la bordure Nord de l’Entre-Deux-Mers. Tous ces coteaux se déclinent dans leur aspect tout au long de leur déroulement et contribuent à différencier les entités de paysages du département qui y sont liées. À Fronsac, le retournement du coteau de Dordogne sur l’intérieur le long de l’Isle délimite une butte, le Tertre de Fronsac, un des rares points singuliers du relief girondin qui, comme les lignes des coteaux, ouvre des vues immenses tout en s’offrant en repère visuel depuis tous les environs.

3- Les paysages du plateau landais
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La planéité extrême de ces étendues et l’occupation quasi-exclusive en monoculture de pins peuvent facilement faire imaginer des paysages très fermés et d’une monotonie excessive, mais la réalité n’est pas aussi simple. La gestion forestière, par parcelles d’âge homogène et coupes à blanc régulières, génère de nombreuses ouvertures qui laissent parfois percevoir une fraction de l’infinie étendue des Landes girondines. Par-delà les vastes clairières de maïsiculture, les lisières sombres très éloignées aident aussi à percevoir cette vastitude. Loin de circuler dans un couloir forestier opaque, l’automobiliste qui parcourt ces bois peut donc clairement percevoir cette horizontalité parfaite si caractéristique des Landes, et ainsi, observer avec l’attention qu’ils méritent les éléments micro-topographiques qui viennent rompre ce plateau.

Longeant ou croisant la route, les fossés, jalles et crastes qui parcourent ces terres, canaux de drainage creusés de main d’homme, font partie des composants discrets mais essentiels de ces paysages. Absolument insignifiants si l’on considère la morphologie de l’ensemble du département, ils sont néanmoins indispensables à l’exploitation forestière de ces terres et peuvent localement offrir des milieux plus riches. Rarement perceptibles depuis la route, les nombreuses lagunes qui parsèment les sous-bois sont aussi des éléments très ponctuels - et d’une échelle ridiculement petite comparée à celle de la forêt - mais offrent des biotopes particuliers au cœur des cultures de pins maritimes.

4- Les paysages dunaires
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Une autre ligne de relief remarquable se déroule dans le département, celle du cordon de dunes qui s’allonge tout le long de la côte girondine. ?Lui aussi joue un rôle stratégique pour les paysages du département, qui se comprend mieux lorsqu’on le resitue dans la scénographie d’accès au littoral. Aller vers la mer, ligne d’attirance majeure depuis plus d’un siècle, c’est traverser nécessairement les immenses étendues plates des landes, en suivant des routes non moins immenses étirées en pures lignes droites. L’arrivée sur les dunes constitue un événement dans le parcours, annonciateur de l’océan tout proche. Les vues s’enrichissent : les pins soudain s’offrent en silhouettes sur le ciel et plus seulement en masses ; la route ondule ; les milieux se diversifient, entre les dunes anciennes, couvertes d’une forêt mixte spontanée, les dunes modernes, divisées en parcelles géométriques et traitées en futaies régulières, la dune bordière, où le sable se découvre et ouvre des vues sur l’océan, la lette pré-littorale, abritée par la dune littorale, où s’installent de place en place les implantations humaines touristiques. ??La vague des dunes devient particulièrement remarquable dans le paysage lorsqu’elle touche les lacs landais, offrant alors un horizon souple vert sombre facilement perceptible. ??Mais l’événement morphologique majeur reste bien sûr la Dune du Pilat, formidable masse de sable dressée entre les passes du Bassin et l’immense étendue forestière des Landes, devenu site touristique principal du département. Tout comme les bancs sableux des passes du Bassin d’Arcachon, elle connait une transformation continue, constamment alimentée, déplacée, érodée par les vents d’ouest. Cette dynamique, bien perceptible sur un repère paysager de cette échelle, témoigne de l’évolutivité de ces paysages littoraux.

Eau et paysage

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L’eau, charpente essentielle des paysages de la Gironde

"Venise étant hors concours et déjà orientale, il reste peu d’endroits sous nos latitudes où l’eau, la pierre et le ciel tiennent aussi justement leur partition"
Pierre Veilletet, Bords d’eaux, éd. Arléa.

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1- Eaux apparentes et eaux sous-jacentes
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La carte de la morphologie évoque d’emblée l’importance de l’eau pour la constitution des paysages qui nous intéressent. L’eau apparente mais aussi l’eau affleurante ou sous-jacente. Ces eaux de différentes natures ainsi associées forment la charpente fondatrice des paysages de la Gironde.

Les eaux apparentes

L’eau apparente est bien sûr celle de l’Océan, des fleuves Garonne et Dordogne, de l’immense estuaire de la Gironde qui réunit leurs eaux et propage les variations de la marée loin à l’intérieur des terres. Mais il s’agit aussi des myriades d’affluents qui nourrissent ces monstres d’eau, trop nombreux pour être cités. Les plus importants en dimensions sont ceux qui drainent les eaux des confins Ouest du Massif Central et alimentent la Dordogne : Isle et Dronne. La carte montre l’extrême découpe de l’Entre-Deux-Mers par les affluents, véritable Mésopotamie, ligne de partage des eaux à lui tout seul, entre les rus qui courent vers le Nord pour la Dordogne et ceux qui s’orientent au Sud pour la Garonne. Ce sont tous ces affluents qui finissent par former ces collines arrondies qui font l’essentiel du "charme" des paysages de l’Entre-deux-Mers, souvent cité dans les guides touristiques. Mais les affluents les plus modestes du département sont aussi ceux qui génèrent les particularités paysagères parmi les plus marquées. Ils drainent l’immense plateau sableux quasi horizontal couvert par le massif forestier "Landais". L’absence de reliefs notoires leur enlève toute vigueur et les rend incapables d’atteindre l’océan pour s’y fondre. Les voilà bloqués dans leur course lente par de fragiles collines faites de sable, sculptées par le vent en un immense cordon dunaire de 230 kilomètres de long pour seulement 3 à 6 kilomètres de large, qui suffit à faire barrage. Les lacs "Landais" ont ainsi pris forme, Hourtin, Lacanau, Cazaux-Sanguinet, qui ajoutent à la palette diversifiée des paysages d’eau de la Gironde. Une exception confirme cette règle, presque strictement appliquée de la pointe de Grave à la Chambre d’Amour : c’est la Leyre, qui parvient à entailler les dunes du littoral pour atteindre les eaux de l’océan. Au point de contact a fleuri une lagune, celle d’Arcachon, bêtement baptisée "Bassin", qui cristallise en son sein une formidable diversité de relations terres-eaux symbolique et représentative de l’ensemble de ce département constitué d’eau autant que de terre.

Les eaux affleurantes ou sous-jacentes

À ces eaux apparentes s’ajoutent toutes les eaux affleurantes ou sous-jacentes, qui accompagnent les cours d’eau dans les fonds des grandes vallées, en s’étalant largement pour constituer des marais ou zones humides, plus ou moins drainés et mis en cultures : marais de Braud-et-Saint-Louis, marais de Prignac-et-Marcamps, zones humides du Médoc, des Graves, réserve naturelle des marais de Bruges, marais de Cadaujac, etc . S’y ajoutent les rives est des grands lacs des Landes, le linéaire de zones humides qui suit le canal des Etangs, le delta de la Leyre, les mattes du bas Médoc,...

La carte de la morphologie montre bien que le plateau Landais lui-même masque sous son couvert forestier des sols souvent mal drainés, malgré leur constitution sableuse, du fait de la couche d’alios qui ralentit la migration des eaux, et surtout de l’absence de pente. Les nombreuses dépressions circulaires qui parsèment la forêt par centaines, héritées de formations glaciaires, laissent aussi apparaître la nappe phréatique, formant les discrètes lagunes landaises, milieux riches et très spécifiques menacés de disparition.

Quant au Bassin, il fait encore figure de lieu d’exception en alternant au fil des marées eaux apparentes et eaux affleurantes, celles-ci salées et noyant tout à marée haute, celles-là douces et circulant en modestes chenaux, esteys et bourrideys, s’épandant en large delta de zone humide pour la Leyre ou en plus modeste embouchure pour le Canal des Etangs, composant les slikkes et les schorres, les vasières (tatchs ou crassats) et les prés salés.

Les eaux de l’océan Atlantique elles-mêmes s’invitent dans ce territoire, remontant loin en amont des cours d’eau lors des grandes marées, jusqu’à former parfois le fameux mascaret, vague spectaculaire remontant le cours du fleuve. Sur la Garonne, l’influence des eaux océaniques se fait aujourd’hui sentir jusqu’aux environs de La Réole, c’est à dire la quasi-totalité du parcours girondin du fleuve ! Et ce mélange des eaux transforme à sa façon les paysages fluviaux : une végétation particulière, liée au marnage, se développe sur les berges des cours d’eau ; les apports sédimentaires marins s’agglutinent en un bouchon vaseux fluctuant dans l’estuaire...

2- Complexité des rapports à l’eau : le cas de la vigne
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Comme dans tous les pays humides, le rapport des hommes à l’eau est plein d’ambivalence, puisqu’elle est à la fois source de vie et d’activités et frein terrible au développement. Une bonne part de l’histoire de l’aménagement du territoire Girondin est une histoire d’eau, une recherche incessante de sa maîtrise. La complexité des relations à l’eau est particulièrement marquée et originale en Gironde du fait de la culture de la vigne. Son cas mérite d’être étudié rapidement pour comprendre comment le territoire s’organise et les paysages se dessinent et se gèrent dans une relation permanente à l’eau.

La vigne, pour produire un vin de qualité, sans trop de quantité, gagne à être implantée sur des sols bien drainés. Et dans des régions pas trop humides. Dans la configuration du département telle qu’on l’a vue, largement structurée par l’eau dans le sol, sous-jacente ou affleurante, et avec le climat qui y règne (il pleut plus de 800mm à Bordeaux) la cause semble perdue ! Et l’eau, si utile au transport et à la commercialisation du vin, devient l’ennemie.

Denis Dubourdieu, cité par Combeaud, explique :

"Le vin naît de l’eau. Et l’eau est son ennemie la plus implacable. Le climat de Gironde est ce qu’on peut imaginer de plus hostile à la vigne. Si je devais résumer d’un mot tout le soin des vignerons d’ici, je dirais : ils luttent contre l’eau. L’eau c’est ici un combat de tous les instants, une guerre sans merci. Sans trêve ni relâche... Contrer l’eau, voilà l’obsession. L’eau sous toutes ses formes. L’eau du ciel, bien trop abondante pour la vigne sur nos bords atlantiques. Cette eau là noie les pieds, tavelle les feuilles, pourrit ou fait éclater les raisins. Pluie, brume, rosée, neige ou grêle, tout nous est ennemi... Et la lutte est de toutes les saisons, de tous les instants : on pulvérise la bouillie bordelaise à la fleur, à la pousse, à la véraison(...) on guette les nuages et les vents pour décider de commencer ou d’interrompre les vendanges. Et il faut combattre l’eau du sol aussi bien, tantôt trop rare, tantôt trop abondante au pied... En surface, l’eau n’est que caprices. Une année prodigue, une autre avare, dans tous les cas elle tue."

Ainsi la vigne a gagné classiquement dans le département les coteaux calcaires, où le soleil chauffe vite et où l’eau s’écoule bien : rive droite de la Garonne, rives droite (Bourg, Fronsac, Saint-Emilion, Castillon) et gauche (Entre-Deux-mers) de la Dordogne, rive droite de la Gironde (Blaye), et coteaux de l’Entre-deux-Mers, tout en restant, pour des raisons de sols et de commerce, toujours proche des fleuves.

Partout ailleurs le miracle de la vigne vient de ces graves charriées par la Garonne depuis les Pyrénées, des sols de graviers très drainants, bien secs et en même temps tout proches de l’eau puisqu’ils ont été déposés sur les terrasses des anciens lits du fleuve. La vigne y trouve son compte. S’ajoute la facilité pour elle d’y déployer ses immenses réseaux racinaires qui, lorsque l’eau vient à manquer, puisent loin dans le sol les réserves nécessaires. La rive gauche de la Garonne s’accompagne ainsi d’une ribambelle de vignes, Sauternes et Graves en amont de Bordeaux, Médoc en aval, qui découpent, au plus près des zones humides drainées par les jalles et des sables plantés de pins, les terrains graveleux propices à leur croissance. Dans les Graves, la vigne finit même par s’inféoder non plus seulement au fleuve Garonne mais à ses affluents, découpant la lisière forestière du massif Landais en autant de clairières successives, dont la plus célèbre et la plus large est celle du Sauternais drainée par le Ciron.

Bien sûr, tout vient de la Garonne, dit monsieur de Lur-Saluces en faisant visiter Yquem à B. Combeaud. Nos vignes sont nées de la rivière. (...) Nos vins sont vins de fleuve.

Le travail du vigneron joue alors avec l’eau, pour qu’elle soit présente au bon endroit au bon moment, notamment par le jeu des labours qui privent les ceps de leurs racines superficielles et les obligent à ne compter que sur leurs racines profondes. La charrue les pousse ainsi à s’enfoncer vers l’eau régulière qui dort enfouie sur l’argile. C’est cette eau enfouie que la vigne doit aller boire.

"La bonne terre laisse les eaux s’infiltrer vite et loin en elle. Ensuite elle doit avoir l’art de retenir cette eau du ciel dans ses profondeurs, et plus encore celui de la restituer à la vigne avec une régulière parcimonie", explique Denis Dubourdieu.

Mais la relation est plus complexe encore :

Dans le cas du Sauternes, l’association de la vigne et de l’eau intervient même directement sur la qualité du vin puisque l’humidité du Ciron favorise la pourriture noble du champignon Botritys, qui déshydrate les grains de raisin colonisés et transforme l’eau de la baie en sucre.

A Pauillac, au droit de Latour, l’eau de la Gironde s’étale sur quinze kilomètres de large. Cette masse humide colossale impose son inertie à l’air trop vif en hiver, tempère les ardeurs extrêmes de l’été, et protège les collines de graves de la canicule sèche comme de la morsure mortelle du gel.

Voilà toute l’extraordinaire ambivalence du rapport de la vigne et de l’eau en Gironde !

Comme les paysages viticoles, d’autres paysages : urbains, balnéaires et forestiers, qui s’ajoutent aux paysages d’eau proprement dit (lacustres, fluviaux ou de marais) pour former ensemble l’essentiel du kaléidoscope girondin, restent toujours étroitement liés à l’eau dans leur organisation. L’eau sous toutes ses formes, douce ou salée, courante ou morte, débordante ou sous-jacente, jaune ferrugineuse, brune boueuse ou bleu océan, en fleuve, en craste ou en jalle, est la charpente souvent discrète mais toujours décisive des logiques constitutives des paysages Girondins.

Et son rôle ne s’arrête pas là.

3- L’eau cristallise les pratiques de l’espace
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L’eau cristallise nombre d’usages de l’espace qui contribuent à forger des paysages spécifiques au département, ainsi que des valeurs sociales particulières :

  • activité portuaire industrielle et commerciale sur la Garonne, qui dresse les grues, les chargeurs à conteneurs, les silos et les cheminées sur les horizons aplanis de Bassens en aval de Bordeaux ;
  • activité de pêche "professionnelle" pour la piballe, l’alose, la lamproie, l’esturgeon (jusqu’à une période récente), qui animent, même modestement, les vastes horizons liquides de la Gironde ;
  • pêche de loisir depuis les pittoresques cabanes de pêche à carrelets de la Garonne et de la Gironde ou depuis les jetées du Bassin, deux façons de se percher très spécifiques au département et symboliques de ce rapport permanent à l’eau ;
  • ostréiculture sur le Bassin, qui a donné lieu encore à une image pittoresque aujourd’hui bien connue, celle des villages ostréicoles de la pointe du Cap Ferret, mais qui, également, dessine beaucoup plus fondamentalement le paysage du bassin, avec la côte ostréicole de la Teste au Teich toute entière dévolue aux ports ostréicoles, mais aussi les parcs à huîtres signalés par leurs rangées de pignots ;
  • plaisance et loisir toujours sur le Bassin, mais aussi sur l’Océan et sur les grands lacs, qui fleurissent l’eau de voiles et de coques, mais qui favorisent également la création de paysages construits particuliers : les "stations" ;
  • chasse au gibier "d’eau" dans les milieux humides, une pratique là encore des paysages d’eau particulièrement bien ancrée dans le département, qui favorise un certain type de gestion des marais et se signale par de discrètes cabanes, les tonnes, ou, dans les mattes, par des "tourelles à tourterelles", en bois, qui rappellent les palombières du massif Landais ;
  • tourisme "vert" et découverte de la nature, notamment des oiseaux, dans ces mêmes milieux humides protégés à divers titres (Conservatoire du Littoral, espaces naturels sensibles du Conseil Général, réserves naturelles, ...), qui attire particulièrement les curieux autour du Bassin, au Teich, dans le delta même de la Leyre, et dans le domaine de Certes et donne lieu là aussi à des formes d’aménagement particulières : chemins, platelages, observatoires, gestion extensive, ...
4- Et l’eau du ciel...
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Enfin, parlant de paysage, on ne peut taire l’importance du ciel souvent chargé d’eau qui balaye les vastes horizons de la Gironde.

"C’est le ciel d’Aquitaine, voilé, jamais bien franc, mais très calé pour les demi-teintes, le nuage soyeux, les culottes-de-gendarme et le gris-bleu" (Pierre Veilletet, Bords d’eaux, éd. Arléa).

"Ici (à Bordeaux), les effluves marins et les buées des fleuves détruisent par l’écran des vapeurs la netteté des lignes qui donne tant de charmes aux paysages du Périgord et de l’Angoumois." (Ardouin Dumazet, 1903).

Pédologie et paysage

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Au-delà de la morphologie et de l’hydrologie, la pédologie permet de rentrer dans les détails et de mieux comprendre les raisons des variations des paysages girondins.

Les sols sont de façon décisive à l’origine de la différenciation des entités de paysage du département, en orientant fortement les choix de mise en valeur agricole, sylvicole ou viticole des terres.

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1- L’organisation des sols suit également la diagonale Garonne-Gironde
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Comme la morphologie, Les paysages s’organisent largement selon la fameuse diagonale Garonne-Gironde par leur nature physico-chimique : podzols et sables des dunes côtières à l’Ouest, et kaléidoscope plus diversifié à l’Est, où la roche-mère reste calcaire et les sols, selon les cas, lessivés, argileux ou mollassiques.

Des exceptions notables qui enrichissent les paysages

Mais chacune de ces parties connaît son exception :

  • à l’Est de la ligne Garonne-Gironde, dans la partie nord du département, on retrouve des sables (mais d’origine différente : ils viennent du massif Central et non de l’Océan) qui, également couverts de pins maritimes, composent une curieuse avancée du massif landais hors de son emprise triangulaire connue, comme un avant-poste annonciateur à ceux qui descendent du nord et arrivent dans le département. Et, logiquement, les pays ainsi formés sont appelés "le Landais" et "la Double" ;
  • à l’Ouest de la ligne, c’est le pays du Bazadais, avec ses moutonnements de collines et son calcaire sur les façades des maisons et dans les sols des bourgs, qui se démarque nettement de son appui que constitue le massif Landais. Au sortir du massif des pins en arrivant par le Sud, ce pays lui aussi fait figure d’événement, grâce aux vues qui enfin peuvent dominer, et à Bazas, avec sa merveilleuse place de calcaire qui surprend tant dans un pays que l’on croyait encore de sable.

La diagonale Garonne-Gironde, catalyseur de la variété des sols

Ces deux exceptions confirment néanmoins la règle générale, qui veut que la Garonne, prolongée par la Gironde, constitue la colonne vertébrale des paysages du département, matérialisant la rencontre entre des mondes totalement distincts, les uns fait de sables, les autres de calcaires, ceux-là plats et ceux-ci moutonnants en collines rondes.

Surtout les sols concentrent particulièrement leur diversité sur cette colonne vertébrale Garonne-Gironde, à proximité immédiate de l’eau, se découpant en pièces de puzzle beaucoup plus petites. La carte des unités de paysage le montre clairement : c’est là, sur cette ligne diagonale de frottements entre l’eau, le sable, le calcaire, ajoutés aux graves charriés des Pyrénées par le fleuve, que se concentrent la diversité des paysages du département, démultipliés par la richesse de situations que provoquent ces rencontres.

2- Les sols et les variations des paysages
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La nature du substrat est à l’origine de l’occupation des sols, notamment en ce qui concerne la couverture forestière. La carte montre la forêt de pins maritimes largement dominante à l’ouest de la diagonale.
Elle ne cède la place définitivement qu’à proximité du fameux axe Garonne-Gironde, lorsque la nature des sols se complexifie, s’enrichit et autorise d’autres cultures (Médoc, Graves et Bazadais), ou lorsque l’urbanisation la grignote (Bordeaux). On retrouve bien sûr le pin au Nord-Est du département, dans cette poche de sable de la Double et du Landais.
Inversement la vigne est essentiellement présente à l’Est de la diagonale et ses débordements à l’Ouest restent toujours étroitement liés à l’axe des fleuves où se cristallise cette diagonale pédologique.

Outre la nature physico-chimique des sols, c’est leur capacité à drainer l’eau ou au contraire à la retenir qui contribue à différencier les paysages du département. La géographie de la vigne est ainsi largement inféodée à cette capacité filtrante des sols beaucoup plus encore qu’à leur nature chimique. On l’a vu en évoquant les graves bien drainantes de la rive gauche de la Gironde et de la Garonne, qui cristallisent les meilleurs vins et, partant, les paysages viticoles les plus soignés et les plus dessinés, ponctués en outre par les "châteaux" de chaque propriété.

C’est ainsi pour une part les sols qui sont à l’origine de la différenciation des entités paysagères du Médoc :

  • entre le Médoc de Margaux et celui de Pauillac, où, de l’un à l’autre, se rétrécit nettement la largeur des sols hydromorphes qui séparent les croupes graveleuses de l’eau, autrement dit la vigne de l’eau ;
  • entre le Médoc de Pauillac et celui de Saint-Christoly, où la proportion d’argile dans les graves augmente nettement et relâche la densité d’occupation par la vigne au profit de prairies humides en alternance ;
  • entre le Médoc de Saint-Christoly et le Médoc des mattes, où les graves ont disparu pour céder la place aux sols hydromorphes de polders protégés de l’estuaire par les digues.

Le Bazadais est encore différent du massif Landais, pas seulement par la morphologie mais aussi par les sols, qui passent des podzols secs aux sables lessivés type Marsan, plus favorable à la prairie, ou, drainés, à la polyculture, mêlées à la forêt.

Au nord, les sols lessivés de l’arrière-pays de Blaye, de Bourg, de Saint-André-de-Cubzac et de Fronsac, dessinent une grande entité de paysage en retrait des coteaux des bords de l’eau, (où le calcaire de la roche mère reste davantage présent et favorise la vigne), paysage plat où la vigne cède de plus en plus la place à quelques cultures et surtout aux prairies et à la forêt au fur-et-à mesure que l’on s’éloigne de l’eau et que s’épaissit la couche de sables mal drainés par la présence d’argile en sous-jacence.

Le passage aux sables de la Double favorise la présence des pins qui coiffent en masse boisée la limite nord du département.

La pédologie joue un rôle moins évident dans la distinction des paysages de l’Entre-deux-Mers. Seul l’Entre-Deux-Mers de Créon et les collines sud de l’Entre-Deux-Mers y trouvent l’origine de leur différenciation d’avec les Entre-deux-Mers plus à l’Est (Entre-Deux-Mers nord et Entre-Deux-Mers de Sauveterre). Le premier se développe entièrement sur des sols lessivés, où se mêlent argiles et sables, développant des cultures moins favorables à la vigne qui laisse les boisements forestiers encore bien présents sur les plateaux (ce que montre la carte des peuplements forestiers), tandis que les autres épanouissent plus largement la vigne mêlée à la polyculture, sur des sols mollassiques ou "boulbènes".

Enfin les sols s’ajoutent à la morphologie pour différencier les paysages de Pomerol des paysages de Saint-Emilion, de Montagne et de Puisseguin. Les premiers, établis sur les anciennes terrasses de l’Isle, développent presque exclusivement le vignoble jusqu’à réduire l’emprise des parcs d’accompagnement des châteaux à de simples allées d’accès élargies, tandis que les seconds, sur des sols argilo-calcaires variés, laissent s’épanouir la vigne en y mêlant soigneusement, dans les fonds des vallons notamment, quelques prairies humides et cultures, dessinant sur l’ensemble un vaste jardin : une campagne-parc.

Climat et paysage

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1 - Son rôle dans la formation des paysages
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Tout au long de l’histoire des paysages girondins, le climat a eu des rôles clefs à jouer, modelant directement les formations naturelles ou influençant le comportement des populations humaines. Aujourd’hui, les évolutions climatiques sont au cœur des enjeux du développement du territoire, notamment à proximité du littoral, et ces facteurs doivent être pris en compte dans tout regard porté sur ce département.

Son rôle dans la formation des paysages

Alors que le socle de la Gironde commençait à se former, la succession des ères climatiques transformait radicalement le visage du littoral aquitain. Les écarts de température entraînaient des modifications colossales du niveau de la mer, qui pouvait parfois s’abaisser de plus de 120 m. Ces fluctuations ont joué de façon majeure sur la mise en place des sédiments : importantes quantités de dépôts lorsque l’océan couvre la plaine ; constitution des palus à proximité des côtes par l’apport d’alluvions ; reprise des sédiments par le vent lorsque le recul des eaux les laisse à nu.

Les épisodes venteux sont en effet également responsables de changements morphologiques évidents : transportant les sables, ils ont entièrement remanié le substrat de la plaine. Le profil pédologique en a été modifié, mais également la morphologie du littoral, avec la formation du cordon dunaire qui accompagne toute la côte au sud de l’estuaire. Celui-ci n’a jamais été complètement stabilisé et continue aujourd’hui encore à se redessiner au gré des vents. Les précipitations ont également eu un rôle à jouer dans la mise en place de ce cordon, créant des cours d’eau qui ont participé au transport des sables.

Influence sur l’implantation humaine

Avec l’installation de populations humaines, le paysage a peu à peu été transformé par ces nouveaux habitants, selon leurs besoins et leurs moyens. Mais le climat est resté un facteur déterminant, qui a influencé directement leurs décisions et aménagements.

Ainsi, la mise en place progressive du vignoble bordelais n’a pas pu se faire sans prendre en compte un élément aussi important. Le niveau des précipitations qui arrosent le département n’étant pas propice à la culture de la vigne, des plants particuliers ont dû être développé et les implantations se sont limitées aux terrains capables de drainer une telle quantité d’eau. L’ensoleillement a aussi un effet direct sur la réussite ou l’échec des récoltes et a donc déterminé quelles terres seraient plantées.

Le vent, soufflant depuis les vastes étendues océaniques, a forcé les hommes à se protéger de ses rafales, comme le montre le bâti vernaculaire, souvent plus fermé vers l’ouest. Mais il a aussi joué un rôle indirect en déplaçant les dunes littorales. Menaçant parfois d’engloutir des villages entiers (l’église de Soulac-sur-Mer a été recouverte par les sables), celles-ci ont forcé des groupements de population à se déplacer vers l’intérieur des terres, avant d’inciter les autorités à initier de grands travaux de fixation. Le visage du département en a été durablement transformé, non par le vent lui-même, mais par la réaction humaine à ses effets.

L’action du vent sur les arbres modifie aussi les formes urbaines : si la ville d’hiver d’Arcachon bénéficie d’un mélange intime des villas avec les pins - proximité permise par la profondeur sableuse des dunes, qui offre un enracinement de qualité - cette configuration ne peut s’adapter partout. En banlieue de Bordeaux, les sols moins généreux n’offrent pas cette garantie : pour éviter les chutes d’arbres sur les maisons, un dégagement est nécessaire à l’ouest des bâtiments, ce qui ne permet pas de retrouver l’imbrication ville / forêt.

2- La transformation perpétuelle des paysages
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Aujourd’hui encore, le climat continue à influencer directement notre environnement et à transformer les paysages, que ces phénomènes se produisent lentement, au fil des ans, ou bien qu’ils s’accélèrent en tempêtes ravageuses. De tels évènements se sont produits à plusieurs reprises ces dernières années et ont montré l’étendue de leurs capacités de destruction, couchant par exemple une grande partie des pins des Landes en 1999 puis de nouveau en 2009. Les inondations qui peuvent alors frapper marais et palus remettent aussi en cause le délicat équilibre de ces espaces, fragilisant les digues et chargeant les polders en sédiments. La gestion de ces divers milieux doit maintenant être adaptée, afin d’anticiper les effets de ces phénomènes : adaptation des lisières forestières afin de minimiser l’emprise au vent, suivi et entretien des réseaux de canaux et des digues...

Soumis à un contrôle régulier, le trait de côte est sujet a une érosion plus ou moins importante selon les secteurs, mais qui peut facilement devenir menaçante à l’échelle des installations humaines littorales. Environ la moitié du littoral naturel est ainsi sujet à une évolution due à l’érosion. Les fortes houles qui agitent l’océan poursuivent continuellement leur travail de sape, plus ou moins compensé par des apports naturels de sable, et maintiennent ce rivage dans une situation fluctuante, incertaine. La pointe du Cap Ferret, qui recule de plusieurs mètres par an et voit son profil évoluer constamment, illustre bien ces évolutions : des maisons ont déjà été noyées au fond du chenal...

Les évolutions du climat et les enjeux du changement climatique

Aujourd’hui, l’ensemble de la côte Aquitaine est soumis à un climat tempéré océanique, qui évolue au sud en présentant plus de chaleur et d’humidité. Les perturbations météorologiques en provenance de l’océan Atlantique traversent le département avant de poursuivre leur route. Si les précipitations sont légèrement plus importantes sur le littoral, la moyenne est d’environ 850 mm par an. Les vents d’ouest sont variables et peuvent rapidement devenir très violents.

Depuis le XXème siècle, on a pu noter différentes phases. De 1900 à 1930, de nombreuses tempêtes d’ouest ont soufflé avec une force étonnante ; tandis qu’entre 1940 et 1970, la tendance s’est inversée, entraînant des hivers plus froids. Ces 25 dernières années, les hivers ont de nouveau été très doux, et de fortes tempêtes ont balayé la Gironde.

Les modifications actuelles du climat impliquent une nécessaire adaptation de nos modes de vie, de nos habitudes en termes d’occupation du territoire. Outre le réchauffement qui touche toute la planète et la probable montée des eaux qui peut s’avérer menaçante pour les terres basses des Landes et des palus, les prévisions envisagent pour les côtes atlantiques une évolution vers un climat plus océanique, avec des tempêtes plus fréquentes. Les enjeux de ces évolutions doivent donc être identifiés dès aujourd’hui, afin que les bonnes décisions soient prises face à ces facteurs nouveaux.

L’exemple de la viticulture est déjà révélateur des modifications qui peuvent survenir : suite à la hausse des températures, les périodes de maturation se font précoces, et diverses régions voient leurs vendanges se dérouler plus tôt. Avec la poursuite du réchauffement, le vin lui-même traduirait les conséquences du changement climatique, en présentant par exemple des excès de sucre ou des défauts d’acidité ; des maladies nouvelles, issues de régions plus méridionales, pourraient également faire leur apparition et menacer les vignobles. Enfin, le lien subtil entre un site et un climat spécifiques, qui fait la richesse et la variété des terroirs, serait amené à disparaître, et avec lui, certains grands vins dont les caractéristiques sont étroitement liées à ces particularités locales, et qui font la renommée de la Gironde.

3- Influence sur l’implantation humaine
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Avec l’installation de populations humaines, le paysage a peu à peu été transformé par ces nouveaux habitants, selon leurs besoins et leurs moyens. Mais le climat est resté un facteur déterminant, qui a influencé directement leurs décisions et aménagements.

Ainsi, la mise en place progressive du vignoble bordelais n’a pas pu se faire sans prendre en compte un élément aussi important. Le niveau des précipitations qui arrosent le département n’étant pas propice à la culture de la vigne, des plants particuliers ont dû être développé et les implantations se sont limitées aux terrains capables de drainer une telle quantité d’eau. L’ensoleillement a aussi un effet direct sur la réussite ou l’échec des récoltes et a donc déterminé quelles terres seraient plantées.

Le vent, soufflant depuis les vastes étendues océaniques, a forcé les hommes à se protéger de ses rafales, comme le montre le bâti vernaculaire, souvent plus fermé vers l’ouest. Mais il a aussi joué un rôle indirect en déplaçant les dunes littorales. Menaçant parfois d’engloutir des villages entiers (l’église de Soulac-sur-Mer a été recouverte par les sables), celles-ci ont forcé des groupements de population à se déplacer vers l’intérieur des terres, avant d’inciter les autorités à initier de grands travaux de fixation. Le visage du département en a été durablement transformé, non par le vent lui-même, mais par la réaction humaine à ses effets.

L’action du vent sur les arbres modifie aussi les formes urbaines : si la ville d’hiver d’Arcachon bénéficie d’un mélange intime des villas avec les pins - proximité permise par la profondeur sableuse des dunes, qui offre un enracinement de qualité - cette configuration ne peut s’adapter partout. En banlieue de Bordeaux, les sols moins généreux n’offrent pas cette garantie : pour éviter les chutes d’arbres sur les maisons, un dégagement est nécessaire à l’ouest des bâtiments, ce qui ne permet pas de retrouver l’imbrication ville / forêt.

La structuration des milieux naturels en Gironde

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1- Ecosystèmes et paysages / cartographie des zones naturelles
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Les notions de milieu naturel, de naturalité, de dynamique biologique, comme facteur de transformation permanente des écosystèmes

En Europe, il est toujours délicat de séparer l’approche des grands paysages de celle des écosystèmes : les uns et les autres ne sont-ils pas la résultante d’un « capital » de ressources naturelles (l’eau, la géologie du territoire, la pédologie…) et du travail des hommes qui ont su à un moment de leur histoire, en tirer parti ?

La notion de milieu « naturel », qui renvoie à une nature « vierge » demeurée intacte de l’action de l’homme, n’existe (quasiment) pas sur nos territoires. On parlera de « naturalité » d’un milieu pour traduire le degré d’intervention de l’homme. Ainsi les grandes zones humides que sont les palus en bordure de la Gironde, fonctionnant comme des polders, ne sont-ils pas d’imposantes constructions des Hollandais et l’un des plus riches écosystèmes de la façade atlantique ?

À la différence d’autres espaces cultivés, le fonctionnement des cycles géophysiques, notamment celui de l’eau, et les processus biologiques (transformation du carbone et biomasse) ont été préservés. Si bien que l’effacement des digues et des ouvrages de maîtrise hydraulique, envisagé sur certains secteurs comme réponse possible à la montée des niveaux de l’océan, aboutirait à une reprise des dynamiques végétales spontanées et à une « renaturation » de ces milieux estuariens.

La notion de patrimoine : milieux et espèces remarquables, ordinaires et biodiversité

En tant que région biogéographique, le bassin aquitain (et la Gironde en particulier), marqué par des influences maritimes, atlantiques, continentales, subméditerranéennes, offre une grande variété de milieux et d’habitat naturels et abrite une importante biodiversité animale et végétale. Celle-ci est étroitement liée à leur organisation dans l’espace et à des facteurs comme la superficie des « réservoirs » biologiques, les connexions qui s’établissent entre eux, ou l’état de conservation…

L’Inventaire National du Patrimoine Naturel (INPN) organisé autour des ZNIEFF1 à l’échelle régionale, et qui en constitue l’outil d’évaluation, permet d’affirmer que la région Aquitaine est l’une des régions françaises les plus riches. La Gironde se distingue plus particulièrement par sa richesse en avifaune, grâce notamment à la présence des grandes zones humides du littoral.

Si la conservation de ce patrimoine remarquable constitue l’enjeu prioritaire, la faune, la flore et les habitats naturels dits « ordinaires » représentent des enjeux non moins importants. Ces habitats (forêt, zones de cultures extensives, bocage humide vignobles, franges boisées périurbaines…) remplissent des fonctions stratégiques de « tampon », de préservation et de régulation, vis-à-vis des grands réservoirs biologiques. Ils occupent surtout la plus grande partie du territoire girondin et participent aussi à l’interconnexion de ces réservoirs biologiques que sont l’estuaire, le plateau continental océanique, et plus au sud, le massif pyrénéen.

2- Les contrastes révélés par les grands systèmes écologiques
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Par son histoire géologique, le territoire girondin a été façonné par la Garonne. Elle marque la limite entre les deux grands ensembles biogéographiques que sont :

  • à l’ouest et au sud, le plateau forestier des landes de Gascogne d’apparence homogène, et ourlé par le littoral océanique,
  • à l’est et au nord de cette ligne, des territoires vallonnés présentant une plus grande diversité physique (relief, exposition, pédologie…) et où s’exprime une mosaïque de milieux.

Sur lignages écologiques et témoignages de l’histoire des grands courants floristiques de la région

Cette ligne de partage est soulignée par la présence de coteaux calcaires, constituant parfois de véritables falaises et « corniches » (Bourg sur Gironde, dans l’agglomération bordelaise de Lormont à Floirac..) exposés au sud-ouest. Ce substrat thermophile et l’ensoleillement ont permis le développement d’un cortège floristique subméditerranéen avec notamment le chêne vert.

Cette flore s’exprime également sur la frange littorale de quelques kilomètres d’épaisseur, profitant d’un substrat très drainant qu’est le sable des dunes « modernes » et du faible nombre de jours de gel. L’arbousier et le chêne vert règnent en maîtres, en sous-étage de la pinède dunaire.

3- Les milieux littoraux
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Résultat d’une histoire géologique récente et mouvementée et de l’intervention encore plus récente de l’homme, le cordon dunaire s’étend de la pointe de Grave en Gironde jusqu’à l’embouchure de l’Adour dans le sud des Landes.

Les écosystèmes dunaires abritent une végétation organisée en bandes parallèles, finement adaptées à l’évolution rapide des conditions du milieu. Ce milieu « limite », aux fortes contraintes naturelles, est le refuge d’un endémisme important.

Avec les marais d’arrière dune et les grands étangs bloqués derrière ce barrage de sable, c’est un ensemble écologique majeur, d’intérêt européen pour ses fonctions d’accueil de l’avifaune migratrice ouest européenne.

4- L’eau fondatrice de la biodiversité
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L’eau fondatrice de la biodiversité et de la très grande majorité des milieux remarquables (ZH) – Connexions et corridors écologiques (trames vertes et bleues)

Pays de l’eau, l’Aquitaine et plus encore la Gironde, territoire atlantique, renferment une diversité impressionnante de milieux humides et aquatiques : plus de 80% des milieux girondins remarquables sur le plan patrimonial sont des milieux humides.

Le système fluvio-estuarien de la Gironde est le plus vaste estuaire macrotidal européen, avec une superficie de 625 km2. Il constitue également une des richesses écologiques exceptionnelles : avec plus de 75 espèces de poissons recensées (ECOBAG, 2006), cet estuaire est le seul hydro système accueillant tout le cortège des poissons migrateurs (amphihalins) européens.

L’eau a façonné des habitats aquatiques et humides aussi différents que :

  • L’eau libre et courante des cours d’eau (l’Eyre, le Ciron, la Dronne…) et l’impressionnant chevelu hydrographique qui parcourent le territoire girondin, accompagné de ripisylves d’aulnes, de frênes et de saules ;
  • L’eau dormante des grands étangs arrière-littoraux du Médoc, qui constituent une continuité écologique sur près d’une centaine de kilomètres et met en relation l’estuaire et le bassin d’Arcachon ;
  • L’eau sous-jacente et affleurant dans les landes humides de Gascogne, par endroit émergente dans les lagunes, suintante dans les micro-tourbières de la Double Girondine, autant de milieux relictuels dans lesquels se retrouve un cortège d’espèces végétales et animales rares, et bien spécifiques ;
  • L’eau en partie maîtrisée (domestiquée) qui a façonné les écosystèmes des palus et des marais bordant l’estuaire, et des grands systèmes humides alluviaux de la vallée de la Garonne, de la Dordogne et de son confluent avec l’Isle.
5- La mosaïque de milieux de l’Entre-Deux-Mers
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La différenciation des sols par la nature des substrats géologiques en place (argiles, sables, colluvions, calcaire, molasse…), l’exposition, et le relief parfois très accentué comme au niveau des petites vallées de la Pimpine, du Gestas, ou de l’Engranne par exemple, ont créé des conditions disparates et engendré la formation de milieux juxtaposés. D’un fond de vallée aux coteaux ensoleillés, on rencontrera la chênaie-charmaie, des faciès à châtaignier, des frênaies et aulnaies. La présence relictuelle de hêtres et surtout du cortège floristique typique de la hêtraie et que l’on trouve en étage montagnard, constitue un particularisme de cette région et révèle un méso-climat plus frais.

L’agriculture très présente sous forme de polyculture contribue aussi à cet effet « mosaïque » de milieux à plus ou moins forte « naturalité », entre vignoble, prairies humides fauchées, peupleraies de production et boisements de pentes…

6- Vignoble et biodiversité
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La diversité des terroirs viticoles est intimement mêlée aux mêmes facteurs et conditions de sols, d’exposition, de présence d’eau… Il constitue le grand patrimoine paysager emblématique de la Gironde.

Par son étendue, il est prédominant sur le plan paysager, jusqu’à être « omnipotent » dans les terroirs les plus prestigieux (Haut Médoc, Pomerol et Lalande de Pomerol) ne laissant plus d’espace pour des milieux moins cultivés. Sur ces vignobles, la conduite de la vigne en fait une culture sans grand intérêt écologique et même ayant des incidences environnementales négatives (érosion des sols, drainage, traitements phytosanitaires, désherbage chimique…). Les quelques tulipes sauvages encore visibles au printemps entre les rangs de vigne le sont dans les petits vignobles, soumis à une conduite plus extensive, ou sur les quelques vignobles bénéficiant de pratiques raisonnées.

7- L’impact des changements climatiques sur l’évolution des écosystèmes
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Au cours des cent dernières années (1906-2005), la température moyenne à la surface de la Terre, a augmenté d’environ 0,74°C. En France, au cours du siècle dernier, elle a augmenté d’environ 0,1°C par décennie. Cette modification globale du climat s’est aussi traduite par des précipitations en diminution l’été et en augmentation en période hivernale. Enfin, ce réchauffement qui s’est accentué sur la période 1973-2003, avec un rythme de 0.6°C par décennie, est plus marqué dans le sud-ouest de la France que dans le nord.

Les modifications climatiques, puissants facteurs d’évolution des écosystèmes

Que les espèces végétales et animales soient influencées dans leur distribution, leur physiologie et leur écologie, par les facteurs climatiques (température, vent, précipitations, période de gel…), n’est pas une découverte récente pour les biologistes. Mais l’ampleur des modifications climatiques mises en évidence dans les dernières décennies, en fait des facteurs très importants d’évolution des écosystèmes.
Parmi la diversité des réponses des organismes vivants que l’on observe, on relève notamment des changements d’aire de distribution, des changements démographiques (effectifs), des changements de phénologie  (dans les cycles saisonniers de migration par exemple) ou des réponses d’adaptation fines plus difficilement appréhendables, qui peuvent influer sur le mécanisme de sélection naturelle des espèces.

Si l’on dispose d’observations à l’échelle des espèces, on n’a en revanche que très peu de connaissance et de recul sur l’évolution des écosystèmes. Les analyses d’anticipation réalisées à partir de scénarios de changements climatiques demeurent limitées par les incertitudes inhérentes à la modélisation et à la faiblesse des connaissances scientifiques sur la réponse des espèces au changement climatique. Elles permettent néanmoins d’envisager les grandes tendances des futurs paysages en Europe.

Ainsi, une analyse récente sur plus de 1350 espèces végétales en Europe a permis de montrer que la moitié des espèces étudiées pourrait perdre près de 50% de leur aire de distribution actuelle. Les espèces à tendance tempérée (hêtre, pin sylvestre, chêne sessile…) pourraient perdre une quantité substantielle de leur aire de distribution dans les zones en limites sud. En revanche, les essences de types méditerranéens pourraient étendre leur distribution vers le nord.

Ainsi à longs termes, on s’attend à une modification sensible des peuplements forestiers, marquée en Aquitaine par la progression de la série méditerranéenne du chêne vert, au dépend de la série sud atlantique (pin maritime). Associé au réchauffement hivernal, l’augmentation de la teneur atmosphérique en CO2, explique en partie l’accroissement en productivité (volume d’arbres) des boisements observé au cours du XXème siècle.

Les changements phénologiques constituent la meilleure évidence d’un impact des changements climatiques sur les espèces. Ainsi, les oiseaux migrateurs sont d’excellents indicateurs car réagissant très vite à des modifications des écosystèmes dans lesquels ils se nourrissent et se reproduisent. En Aquitaine, et en Gironde plus spécifiquement, on observe par exemple la présence permanente du héron garde-bœuf dans les prairies girondines alors qu’il était, il y a encore une décennie, une espèce « visiteuse », passant une grande partie de son cycle en Afrique. On peut faire ces mêmes observations avec la petite aigrette dont le temps de présence et les effectifs sont en forte augmentation.

Dans l’écosystème marin et littoral, nombreuses sont les espèces dont l’aire de répartition est initialement tropicale ou sub-tropicale, et qui pénètrent et se développent dans les eaux du Golfe de Gascogne et de l’estuaire de la Gironde

Les écosystèmes littoraux, interface entre écosystèmes marins et terrestres, seront les premiers à subir des modifications radicales

Le réchauffement climatique des couches basses de l’atmosphère devrait avoir des répercussions sur l’évolution des côtes. En effet, il provoquera une élévation du niveau moyen de la mer et certains modèles prévoient une augmentation de la force et de la fréquence des tempêtes, ce qui semble se confirmer en ce début de XXIème siècle. On peut donc s’attendre à une accélération de l’érosion des plages mais aussi à une extension des submersions temporaires ou permanentes des milieux les plus bas. Ces données interrogent les gestionnaires de sites côtiers vulnérables à cette nouvelle conjoncture, notamment dans les polders aux digues fragiles. Le cas des mattes en bordures de Gironde est concerné par des choix stratégiques : renforcer les digues et maintenir les agro-systèmes qu’elles protègent, ou les « effacer » et dans ce cas, une transformation importante des écosystèmes s’opèrera, avec une progression des milieux humides saumâtres.

8- Sur lignages écologiques et témoignages de l’histoire des grands courants floristiques de la région
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Cette ligne de partage est soulignée par la présence de coteaux calcaires, constituant parfois de véritables falaises et « corniches » (Bourg sur Gironde, dans l’agglomération bordelaise de Lormont à Floirac..) exposés au sud-ouest. Ce substrat thermophile et l’ensoleillement ont permis le développement d’un cortège floristique subméditerranéen avec notamment le chêne vert.

Cette flore s’exprime également sur la frange littorale de quelques kilomètres d’épaisseur, profitant d’un substrat très drainant qu’est le sable des dunes « modernes » et du faible nombre de jours de gel. L’arbousier et le chêne vert règnent en maîtres, en sous-étage de la pinède dunaire.

Les milieux naturels par grand ensemble paysager

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Les milieux naturels de la vallée de la Garonne
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Les différents épisodes du quaternaire et les jeux de transgression-régression ont modelé le substrat de la vallée alluviale de la Garonne, remanié par les activités humaines. La vallée alluviale en rive droite est brusquement interrompue par les falaises calcaires, alors qu’en rive gauche, elle laisse place progressivement aux différentes terrasses d’alluvions anciennes qui forment les plateaux viticoles du Sauternais et des Graves.

Depuis l’antiquité, l’homme a su exploiter les sols fertiles d’alluvions sablo-argileuses et développer une agriculture florissante. Actuellement la maïsiculture et la vigne occupent les secteurs les plus élevés (ex. bourrelet alluvial) et les moins fréquemment inondables, laissant les secteurs les plus bas et les plus difficilement drainés à des boisements humides et à quelques secteurs de bocages humides résiduels situés dans la partie aval.

Aussi, les milieux qui ont gardé des caractéristiques naturelles occupent des surfaces réduites.

1. Les boisements alluviaux et les ripisylves de la Garonne et des petits affluents (Le Ciron, le Gât Mort, le Saucats et l’Eau Blanche)

Composée de chênes pédonculés, de frênes communs, de frênes oxyphylles, et d’ormes champêtres, cette formation arborée se développe dans le lit majeur inondable des grands fleuves ; elle souligne de façon plus ou moins discontinue le lit mineur de la Garonne.

Aulnaie-frênaie et saulaie à saules blancs bordent les petits affluents à faible courant et forment des galeries linéaires étroites. Ces boisements laissent place à l’aulnaie marécageuse et aux saussaies marécageuses Salix acuminata, dans les secteurs les plus humides.

Ces formations boisées spontanées constituent de véritables corridors biologiques, notamment pour les quelques très rares mammifères inféodés aux milieux aquatiques que sont le vison d’Europe et la Loutre. Les vallées du Ciron, du Saucats et du Gât Mort assurent la connexion biologique entre le massif des Landes de Gascogne et la Garonne, permettant les déplacements de la faune sauvage et les échanges entre populations.

2. La vallée alluviale et les secteurs de bocage dans la partie aval

Le seul bocage humide qui subsiste dans la vallée de la Garonne est situé en rive gauche au débouché du Saucats et de l’Eau Blanche entre Beautiran et Villenave d’Ornon. Il est structuré par un maillage dense de fossés bordés de haies ou d’alignements d’arbres parfois taillés en têtards. La strate arborée est largement dominée par la présence des frênes (Fraxinus excelsior et Fraxinus angustifolia), associés au chêne pédonculé. La déprise agricole qui affecte ces secteurs se traduit par l’enfrichement des prairies par le frêne, qui forme alors des taillis denses.
Les prairies forment, selon le degré d’humidité du sol et l’état d’entretien par fauche ou pâturage, une mosaïque complexe d’habitats (roselière, mégaphorbiaie, cariçaie, jonçaie…) et abritent une flore et une faune riches. Ainsi, plus de 200 espèces végétales ont été inventoriées sur ce site, appartenant au réseau NATURA 2000.

3. Les coteaux calcaires de la rive droite

Les rebords calcaires de la vallée de la Garonne exposés au Sud et au Sud-Ouest offrent à la flore des situations originales pour la région, ayant permis l’implantation d’une végétation à affinité méditerranéenne. Avec la série du chêne pédonculé, typiquement atlantique, on y trouve la série du chêne pubescent et celle du chêne vert, toutes deux en limite ouest de leur aire de répartition.

De Quinsac à Sainte Croix du Mont, les coteaux, classés en ZNIEFF abritent des milieux tout à fait originaux : parois rocheuses, pelouses et « friches » sèches juxtaposés à des milieux plus frais et humides autour de résurgences et de sources. De nombreuses espèces d’orchidées poussent sur ces pelouses, telle l’ophrys bécasse (Ophrys scolapax), dont le maintien est lié à l’entretien extensif des pelouses.

Les milieux naturels de la vallée de la Dordogne
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La vallée alluviale de la Dordogne en Gironde présente en amont de Branne un fonctionnement fluvial et, de Branne jusqu’à son confluent avec la Garonne, un fonctionnement fluvio-estuarien. Au niveau de Libourne, s’est développé un train de méandres d’estuaires unique en Europe, autour duquel s’est composé un paysage de palus et de marais que l’on retrouve ensuite tout le long de la Gironde.

La vallée majeure est essentiellement constituée de milieux humides, dont la plus grande partie (près de 70 %) est exploitée à des fins agricoles. Les prairies représentent plus de 31% et les boisements alluviaux hygrophiles près de 20 %. Les espaces classés à forte valeur patrimoniale (tourbière, marais, roselières, mégaphorbiaies…) ne représentent par contre, que quelques pourcents de la totalité des zones humides.

Parmi les ensembles naturels remarquables, on citera les formations de palus : celui de Génissac et de Moulon , celui de Vayres, d’Yzon et de Saint Loubès, le petit marais d’Arveyre. Situés dans la partie interne des méandres, ces terrains en cuvette, souvent tourbeux et difficiles à assainir ont permis de préserver des structures de bocage humide avec un cortège d’espèces végétales à haute valeur patrimoniale, comme la nivéole d’été, la renoncule à feuille d’Ophioglosse, la fritillaire pintade,…

Les berges soumises aux balancements de la marée (marnage) abritent deux espèces végétales endémiques des estuaires atlantiques : l’angélique à fruit variable et l’Oenanthe de Foucaud.

Les milieux naturels de l’estuaire
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Les paysages naturels de l’estuaire sont marqués d’amont en aval par l’omniprésence de l’eau. C’est elle, au contact de la terre, qui a façonné des milliers d’hectares de zones humides renfermant une incroyable richesse de milieux et d’espèces. Reconnu à l’échelle européenne et internationale, ce patrimoine est intégré au réseau européen NATURA 2000, et de ce fait, bénéficie de mesures de protection et de gestion spécifiques.

Quelques repères géomorphologiques

L’estuaire de la Gironde, tel que nous le découvrons aujourd’hui, a été façonné à l’ère quaternaire par une succession de régressions et de transgressions marines mettant en place l’actuel trait de côte, ainsi que les alluvions argileuses (les « mattes ») et dépôts tourbeux des zones basses. Celles-ci contrastent avec les terrains tertiaires des coteaux où affleurent des formations calcaires. Mais c’est antérieurement, au tertiaire, que rive droite et rive gauche, à la faveur de la formation de failles, deviennent asymétriques.

Sur le plan topographique, il en résulte des terrains plus élevés sur la rive droite (point culminant supérieur à 50 m), alors que la rive gauche est plus basse et s’étale dans sa partie nord (le Verdon). Ainsi, le relief en rive droite est beaucoup plus marqué du fait du sens général des pendages des couches géologiques. La présence de roches calcaires favorise en outre l’écoulement de nombreuses sources tout le long de la rupture de pente. Ces coteaux sont localement nappés de grèzes, dépôts de pentes lités et rythmés, formés pendant les glaciations du quaternaire.

L’estuaire est bordé, en pied de coteau, de zones de dépôts alluvionnaires d’altitude inférieure à 3 m, tantôt étroites comme au niveau de Blaye, tantôt s’élargissant comme au niveau de Braud-et-Saint-Louis et de Saint-Ciers-sur-Gironde (plus de 4500 m) ou dans le secteur des mattes du Bas Médoc. Les alluvions forment un bourrelet naturel légèrement plus élevé que les terrains situés en pied de coteaux. Dans la zone soumise aux marées (estran), ces alluvions sont reprises et déposées au gré des courants. Elles forment une bande étroite de vasières plus ou moins colmatées, le long de la rive, et les îles. Le bilan apport/évacuation de sédiments joue actuellement en faveur de l’accumulation sédimentaire dans le fleuve.

La fonction de champ d’inondation, un enjeu majeur

Les zones inondables de l’estuaire couvrent une surface totale évaluée à 600 km2. L’estuaire est soumis à des crues de type fluvio-maritime, induites par la confrontation entre la propagation de la marée dans l’estuaire et des débits élevés de la Garonne et de la Dordogne. Elles peuvent être aggravées par des conditions météorologiques océaniques particulières provoquant une surcote au niveau du Verdon. Ces zones inondables, directement superposables aux zones humides qui bordent le fleuve, contribuent fortement à protéger l’agglomération bordelaise des inondations : gérées comme des casiers hydrauliques autonomes, elles assurent une fonction de régulateur des flux estuariens.

Les espaces naturels

Les milieux que l’on rencontre tout au long de l’estuaire sont tous « construits » sur les mêmes fondements géomorphologiques et hydrauliques.On peut ainsi distinguer cinq grands types homogènes,à se répétant tout au long de l’estuaire :

  • Le fleuve et les îles : l’île Paté au droit de Blaye, l’île sans Pain ou île nouvelle, liée à l’île Bouchaud, l’île de Patiras…
  • les milieux humides soumis aux balancements des marées (milieux intertidaux) entre le fleuve et la digue (l’aubarède),
  • les milieux de marais, s’étendant en arrière de la digue jusqu’au pied des coteaux,
  • les coteaux et les vallons
  • les milieux de transition, interface entre coteaux et zones basses.

1– Le fleuve et les îles : l’île Paté au droit de Blaye, l’île sans Pain ou île nouvelle, liée à l’île Bouchaud, l’île de Patiras

Du fait de sa haute productivité et de sa situation même en entrée-sortie du grand bassin versant Garonne-Dordogne, l’estuaire joue un rôle écologique primordial localement et également pour des territoires plus éloignés en amont et à l’aval. L’écosystème estuarien doit son originalité à de fortes variations des conditions naturelles (marnage, salinité, turbidité, débits fluviaux…) qui structurent ce milieu en une mosaïque d’habitats.

La répartition des peuplements se fait en fonction de ces paramètres et connaît une forte saisonnalité. L’estuaire est à la fois une zone de nourricerie, de reproduction, d’adaptation physiologique aux espèces de poissons migratrices ou encore un couloir de passage. Il représente un patrimoine écologique remarquable dont l’esturgeon reste l’espèce emblématique, mettant ainsi l’accent sur la fragilité de l’écosystème estuarien.

Classés au SDAGE Adour-Garonne en « axe bleu », l’estuaire et les corridors fluviaux Garonne et Dordogne sont inscrits sur la liste des axes de migrations principaux. En complément ont été ajoutés : en rive droite, la Livenne, et en rive gauche la jalle du nord, du sud, le chenal du Guy, le chenal du Lazaret, le chenal du By, le chenal neuf et le chenal du Guâ.

Les îles, issues de dynamiques hydro-sédimentaires complexes, participent de cette mosaïque d’habitats, bien qu’ayant été mises en valeur par l’agriculture et ayant perdu de leur richesse patrimoniale.

2 – L’estran et les milieux humides intertidaux

L’estran (ou wadden) représente la partie du littoral située entre les plus hautes et les plus basses mers connues. Il est couvert lors de la pleine mer et découvert lors de la basse mer est divisé entre slikke et schorre et ripisylve :

  • la slikke est la partie basse de l’estran qui n’est découverte que lors des basses mers ; elle est également appelée vasière. Elles est très faiblement représentée au niveau des communes de la rive droite.
  • Le schorre est la partie haute de l’estran, qui n’est recouverte que lors des hautes mers. Il se situe en avant des digues. Une végétation bien particulière constituée essentiellement de graminées (gazons amphibie, phragmites, phalaris, joncs…) fixe la vase et peut former les prés salés, comme dans la partie très aval de l’estuaire.
  • La formation boisée de frêne, formant une ripisylve plus ou moins continue, colonise la partie la plus haute, contre la digue (cf. photo).

Le rôle trophique de l’estran est essentiel pour les poissons, les oiseaux et il agit comme un filtre vis-à-vis des matières en suspension et des composés chimiques polluants apportés par le fleuve, assurant ainsi une fonction auto-épuratrice des milieux aquatiques. Il s’agit d’importantes zones d’échanges (écotones) entre écosystèmes terrestres et aquatiques.

3 - Les milieux de marais

Ils s’étendent en arrière de la digue jusqu’au pied des coteaux et sont composés d’une mosaïque d’habitats, au caractère humide plus ou moins prononcé. Leur valeur écologique peut être analysée et appréciée en fonction de cet effet « mosaïque » sur la biodiversité et par la connectivité hydraulique.

Une mosaïque de milieux :

L’aménagement des marais a façonné une diversité d’habitats qui permettent d’assurer plusieurs fonctions nécessaires au cycle de vie de nombreux organismes, comme l’alimentation, la reproduction ou encore l’abri et le repos.

La richesse des marais tient à la présence simultanée de ces différents milieux sur un territoire restreint. L’uniformisation de l’occupation du sol (les grandes parcelles de cultures drainées par exemple) entraîne de facto une simplification de ce réseau, et par conséquent de la mosaïque d’habitats et d’espèces, infléchissant également sur la diversité des fonctions biologiques du marais.

la connectivité hydraulique :

Le réseau de canaux et de fossés influence le degré d’hydromorphie des sols. Leur densité et leurs connections, leur entretien, la gestion des niveaux d’eau effectuée grâce aux ouvrages (pelles, clapets, portes à flots…) sont à la base de la constitution de cette mosaïque, qui recouvre les appellations de mattes, marais mouillés,…

La connectivité caractérise à la fois la franchissabilité des différents compartiments hydrauliques du marais, nécessaire notamment à la vie piscicole (passage des zones de reproduction aux zones de grossissement par exemple pour l’anguille), ainsi que la qualité de l’eau (renouvellement/confinement) en relation avec l’estuaire et/ou les bassins versants amont des coteaux (le marais de La Vergne et la Livenne par exemple). Elle est tout particulièrement conditionnée par la gestion de l’ouverture des ouvrages et aussi par leur état qui limite la circulation des poissons et les échanges hydrauliques.

4 - Les coteaux et les vallons

Sur le plan écologique, les coteaux contrastent, avec un intérêt très amoindri par l’omniprésence de la vigne. Celle-ci ne laisse que peu de place à d’autres types d’occupation agricole ou forestière, qui contribueraient à une certaine diversité de milieux. Les modes culturaux pratiqués par la viticulture sont, sur le plan écologique, peu propices à la conservation d’une certaine biodiversité.

  • Seule joue la présence des petits boisements, dans la partie du vignoble située au nord du marais de la Vergne. Tout en étant banals en termes d’essences et de cortège floristique, ces boisements constituent des zones refuges et de relais pour la faune.
  • Les vallons humides, dans lesquels s’écoulent des petits cours d’eau, constituent également des éléments de diversité assurant un lien physique et biologique avec les marais et l’estuaire (corridors biologiques).
  • Enfin, on signalera la particularité des falaises calcaires de Blaye, site qui présente un intérêt à la fois géomorphologique, paysager et botanique, avec la présence d’espèces calcicoles et thermophiles dont certaines sont protégées à l’échelon national et régional.

5 - Les milieux de transition, interface entre coteaux et zones basses.

La zone de contact entre les dépôts alluvionnaires et les affleurements calcaire qui dessinent le coteau est marquée, elle aussi, par la présence de l’eau (sous forme de ruissellement en provenance de ces derniers et d’écoulement de sources dans la rupture de pente).

Alternance de cultures, de prairies humides, de petits secteurs marécageux à végétation hygrophile, ce secteur est constitué de parcelles réduites, orientées bien souvent dans le sens de la pente et soulignées par un réseau « serré » de haies et de fossés, qui contraste avec le parcellaire lâche du marais.

C’est une zone d’interface sur le plan écologique qui joue un rôle « tampon » (accumulation d’eau), isolée hydrauliquement du reste du marais par la présence d’un fossé de ceinture. Elle est en relation avec les petits cours d’eau qui descendent du coteau, ces derniers assurant avec leur ripisylve des fonctions de corridor biologique (circulation d’espèces : petits mammifères et poissons…)

Le réseau des haies lui confère une richesse écologique bien différenciée du reste du marais, et intéressante, notamment en matière de diversité de passereaux, ainsi que sur le plan paysager.

Les milieux naturels des franges boisées
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Ce secteur correspond aux franges sud et ouest du massif de la Double Saintongeaise et du Landais. Il s’est développé sur les placages tertiaires des sables sidérolithiques du Périgord, à partir desquels se sont constitués des sols siliceux, pauvres, au pH acide. Sous la pinède de pin maritime dominante, on retrouve tout le cortège floristique des landes atlantiques acidophiles. Celles-ci sont parsemées de landes humides tourbeuses et de micro-tourbières. Encore peu connues, elles font l’objet d’un inventaire partiel (Etude CBNSA 2009 « Recensement et localisation des tourbières du massif forestier Nord Gironde » ne couvrant que 1700 ha de la communauté de communes de l’Estuaire et de Saint Savin).

Ces pinèdes sur milieux humides qui ont été fortement détruites par la tempête de décembre 1999, abritent des espèces adaptées à la présence d’eau au pH très acide, que l’on retrouve également dans les lagunes et landes humides du massif des Landes de Gascogne.

Sur ces quelques centaines d’hectares prospectés, 84 zones tourbeuses ont été recensées et cartographiées dont 11 présentent un intérêt majeur lié à la présence de groupements végétaux tourbeux et paratourbeux acidiphiles protégés au titre de la directive Habitats, Faune, Flore.

L’étendue du massif boisé et sa diversité en essences, la mosaïque de milieux (boisement, jeunes plantations et différents stades de transition : landes arbustives, prairies, cultures…) en font un réservoir biologique d’intérêt, au sein duquel les vallées de la Dronne et de l’Isle font fonction de corridor écologique, connectant ainsi le nord gironde avec la vallée de la Dordogne.

Notion de corridor écologique

Un corridor écologique, à distinguer du corridor biologique et du continuum écologique, est une zone de passage fonctionnelle, pour un groupe d’espèces inféodées à un même milieu, entre plusieurs espaces naturels. Ce corridor relie donc différentes populations et favorise la dissémination et la migration des espèces, ainsi que la recolonisation des milieux perturbés.

Les corridors écologiques sont un élément essentiel de la conservation de la biodiversité et du fonctionnement des écosystèmes. Sans leur connectivité, un très grand nombre d’espèces ne disposeraient pas de l’ensemble des habitats nécessaires à leurs cycles vitaux (reproduction, croissance, refuge, etc.) et seraient condamnées à la disparition à plus ou moins brève échéance.

Par ailleurs, les échanges entre milieux sont un facteur de résilience majeur. Ils permettent ainsi qu’un milieu perturbé (incendie, crue…) soit recolonisé rapidement par les espèces des milieux environnants.

L’ensemble des corridors écologiques et des milieux qu’ils connectent, forme un continuum écologique pour ce type de milieu et les espèces inféodées.

C’est pour ces raisons que les stratégies actuelles de conservation de la biodiversité mettent l’accent sur les échanges entre milieux et non plus uniquement sur la création de sanctuaires préservés mais clos et isolés.

Les milieux naturels du blayais au libournais
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L’histoire géologique a donné à ce terroir une diversité d’affleurements, et donc de sols, que l’homme a su exploiter et mettre en valeur notamment en y implantant la vigne. C’est un secteur de grande tradition viticole, connu pour ses grands crus classés (Lalande de Pomerol, Pomerol, Saint-Emilion, Fronsac…). A contrario, le vignoble a laissé peu de place aux boisements et à l’expression d’une flore spontanée. Avec un taux de boisement inférieur à 6%, le Libournais est la région la moins boisée du département de la Gironde.

Deux types de milieux sont caractéristiques de ce paysage : les fonds de vallée sur des alluvions récentes et les coteaux calcaires.

Les coteaux où affleure le calcaire à astéries sont marqués par des ruptures de pente, voire par la présence de véritables falaises (corniche de Bourg à Gauriac). La nature de ce substrat sec et l’exposition au sud, sud-est et sud-ouest, ont permis l’implantation d’une végétation appartenant au courant floristique méditerranéen. Cette flore singulière pour la région leur confère un intérêt patrimonial indéniable.

La flore de la série du chêne vert s’exprime par tâches disséminées sur les coteaux calcaires exposés au sud de la rive droite de la Dordogne (Castillon, Fronsac, Saint-Emilion…). Cette situation se prolonge le long de la Gironde (corniche de Bourg à Blaye) - elle se retrouve également en rive droite de la Garonne.

On y trouve soit le chêne vert (Quercus ilex), soit des témoins d’anciennes plantes méditerranéennes, aujourd’hui isolées. Elles poussent sur des pelouses sèches, des landes ou chaumes, ou parfois d’anciennes friches viticoles.

La série du chêne pubescent est également présente sur les coteaux calcaires à sol rendziniforme. Il s’agit de sol sec, très peu profond, sur substrat calcaire. Dès que le sol évolue vers des sols bruns ou que la topographie est moins favorable (diminution de la pente), le chêne pubescent est concurrencé par une végétation des étages plus atlantiques. Rarement à l’état pur, il se mêle au chêne pédonculé, au charme ou encore au frêne selon les conditions édaphiques locales.

Avec les orchidées, les tulipes sauvages font partie de cette flore remarquable et menacée que l’on peut encore observer au printemps.

La tulipe de l’écluse, Tulipa clusiana, est présente dans quelques parcelles de vignobles autour de Bourg-sur-Gironde. Elle est la plus rare des quatre espèces de tulipes sauvages que l’on peut rencontrer dans les vignes girondines, car particulièrement sensible aux épandages de désherbant et au labour entre les règes. Plus répandue, la tulipe sylvestre, Tulipa silvestris, s’observe plus fréquemment et parfois en grande densité sur certaines parcelles.

La basse vallée de l’Isle

Entre son confluent avec la Dronne et celui avec la Dordogne, la basse vallée de l’Isle abrite un ensemble de zones humides. L’Isle méandre dans une vallée alluviale large, soumise au marnage. Elle abrite l’un des derniers bocages humides en zone alluviale de la Gironde, partiellement touché par le passage de l’Autoroute A89 et par le développement de l’agglomération libournaise.
Si le secteur des Dagueys, sur la commune de Libourne, a perdu de son intérêt en tant que milieu naturel, le marais des Brizards, situé juste en amont sur la commune des Billaux, constitue encore une vaste zone humide composée d’une mosaïque de formations végétales :

  • des prairies inondables entrecoupées de haies, formant par endroit un maillage bocager d’une grande qualité paysagère ;
  • des cariçaies hygrophiles situées au « cœur » du marais dans une dépression tourbeuse ;
  • des boisements plus ou moins humides dominés par les frênes (Fraxinus excelsior, Fraxinus angustifolia) ;
  • une ripisylve soumise aux balancements des marées, qui abrite l’Angélique des Estuaires (Angelica heterocarpa).

Ces milieux accueillent d’importantes populations d’amphibiens parmi lesquels le Crapaud calamite et le Pelodyte ponctué. Parmi les mammifères, trois espèces présentent un enjeu majeur en termes de conservation : la loutre, le vison d’Europe et le Crossope aquatique (Neomys fodiens).

  • des boisements plus ou moins humides dominés par les frênes (Fraxinus excelsior, Fraxinus angustifolia) ;
  • une ripisylve soumise aux balancements des marées, qui abrite l’Angélique des Estuaires (Angelica heterocarpa).

Ces milieux accueillent d’importantes populations d’amphibiens parmi lesquels le Crapaud calamite et le Pelodyte ponctué. Parmi les mammifères, trois espèces présentent un enjeu majeur en termes de conservation : la loutre, le vison d’Europe et le Crossope aquatique (Neomys fodiens).

Les milieux naturels de l’Entre-Deux-Mers
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L’Entre-Deux-Mers est drainé par deux réseaux hydrographiques imbriqués, tributaires soit du bassin versant de la Garonne (Euille, Dropt, Pimpine…), soit du bassin versant de la Dordogne (Engranne, Gestas, Escouach…). Les vallées de ces cours d’eau entaillent un plateau qui culmine vers 120 m NGF, alors que les fonds des deux grandes vallées s’étagent entre 7 et 10 m NGF.

C’est donc un relief accentué qui caractérise l’Entre-Deux-Mers.Les divers horizons géologiques représentés sont aussi bien des dépôts carbonatés marins (calcaires à astéries, marnes à ostrea) que détritiques fluvio-lacustres (molasse de l’Agenais), lacustres (calcaire de Montbazillac, argiles et calcaire de Castillon) et alluviaux (les hautes terrasses graveleuses de la Dordogne et de la Garonne, et les alluvions argileuses actuelles des fonds de vallée).De nombreuses grottes et carrières en roche calcaire parsèment l’Entre deux mers. Certaines sont connues des préhistoriens pour avoir été occupées dès le paléolithique, comme dans la vallée de l’Engranne (grotte de Fontarnaud, abri Faustin…).

Par ailleurs, les carrières ont fourni, des siècles durant, les pierres pour la construction de nombreux édifices, notamment la flèche de l’église Saint Michel à Bordeaux (carrière de Rauzan) ou l’abbaye de la Sauve Majeure. A côté d’un vignoble qui est très largement prépondérant en termes d’occupation de l’espace, les grands types d’ensembles naturels qui caractérisent l’Entre-Deux-Mers sont des milieux humides associés aux petits cours d’eau et des milieux forestiers. Ces derniers occupent surtout les versants pentus, les fonds humides des vallées ou les croupes des collines. Ils représentent environ 20% de la superficie de ce territoire.

Les milieux forestiers

L’Entre-Deux-Mers est caractérisé par une couverture boisée très morcelée et des types d’habitats forestiers étonnamment diversifiés. C’est grâce à une topographie « tourmentée », qui fait apparaître la diversité d’affleurements géologiques, que se retrouvent juxtaposés des milieux forestiers d’affinité si différentes : méditerranéenne avec le chêne pubescent, atlantique avec la chênaie-charmaie, montagnarde avec le hêtre, et ce, à une échelle géographique très restreinte. - La présence du hêtre est une particularité de ce territoire. Il est présent à l’état relictuel, le plus souvent associé au chêne Rouvre ou Sessile, dans les situations les mieux protégées de versant de vallon boisé. Les stations signalées dans l’Entre-Deux-mers, comme dans le Bazadais ou la Vallée du Ciron, témoignent d’une ancienne extension « atlantique » de cette essence liée aux glaciations quaternaires, les régions girondines et charentaises, ayant pu constituer un refuge. C’est à ce titre qu’il figure dans l’étage montagnard de la carte de végétation (cf. carte de la végétation de la France N°56 - Bordeaux, CNRS - échelle 1/200 000). On trouve également en sous-bois plusieurs espèces floristiques caractéristiques de la hêtraie comme l’ail des ours (Allium ursinum), la laîche digitée (Carex digitata), la Scille lis-jacinthe (Scilla Lilio- Hyacinthus), le gaillet odorant ( Galium odoratum ) ou reine des bois

Le chêne pubescent reste très localisé et ne constitue pas de boisement à proprement parler. Cette essence occupe les stations les plus exposées au sud, à la faveur de sols rendziniformes, c’est-à-dire peu profonds correspondant souvent aux affleurements calcaires. Une flore d’affinité méditerranéenne s’y développe.

Lorsque les sols deviennent plus évolués (sols bruns) ou si l’exposition ne lui est plus favorable, le chêne pubescent laisse place aux chênes pédonculés ou sessiles et au charme. Ainsi les boisements les plus répandus dans l’Entre Deux Mers sont des chênaies-charmaies, le pin maritime étant quasiment absent. Nombre d’essences d’accompagnement constituent les sous-strates : l’érable champêtre, le noisetier, le tilleul à petites feuilles…

L’entre Deux Mers

Les vallons des cours d‘eau, souvent encaissés en amont, s’élargissent dans leur secteur aval et accueillent de nombreux habitats humides, dont une bonne partie est constituée de prairies permanentes. A titre d’exemple, dans la vallée du Gestas et de ses principaux affluents, les prairies naturelles humides représentent encore 40% de la surface totale, et 48% sont occupés par des boisements humides (aulnaie-frênaie essentiellement). A l’exception de la vallée du Dropt, où les terres cultivées sont largement prépondérantes, les vallées de cours d’eau de l’Entre Deux Mers demeurent encore très préservées et les secteurs de prairies humides bien représentés. Ces habitats humides accueillent une flore (l’aristoloche à feuilles rondes, rare en Girondeet une entomofaune (le damier de la Surcise, Euphrydryas aurinia) remarquables par leur diversité et, pour certaines espèces, par l’intérêt patrimonial qu’elles représentent (espèces d’intérêt communautaire, espèces protégées).

Sur des superficies très retreintes, quelques pelouses sèches et landes calcicoles se développent sur les coteaux calcaires, accueillant notamment un cortège d’orchidées (cf les milieux naturels, du Blayais au Libournais). Riche en cavités rocheuses, l’Entre-Deux-Mers possède également des populations de chauves-souris importantes, dont beaucoup sont protégées. Enfin, comme dans les vignobles du Libournais, certaines stations de tulipes sauvages subsistent dans la partie orientale.

Les milieux naturels du Bazadais
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Sur le plan naturel, le Bazadais est une zone de transition entre la Garonne et le massif des Landes. Les sols du Bazadais sont caractérisés au nord par la présence des alluvions graveleuses, formant les terroirs viticoles des Graves, et au sud par l’apparition des sables des Landes qui constituent une couverture plus ou moins discontinue et à partir de laquelle se sont développés des sols bruns lessivés et des sols podzoliques.

Les réseaux hydrographiques du Beuve, de la Bassane, du Brion et du Grusson entaillent ces dépôts fluviatiles, faisant apparaître les couches tertiaires plus anciennes telles que les molasses, les grès et argiles miocènes du Bazadais. Ils sculptent un relief vallonné partagé entre polycultures, vignes, prairies et bois.

Les boisements appartiennent à la série du chêne pédonculé, mélangé aux pins maritimes dont la présence augmente en s’éloignant de la Garonne. D’autres essences enrichissent le peuplement, comme le chêne Tauzin, le châtaignier, le robinier, le charme…

Les ruisseaux du Beuve, de la Bassane, du Brion et du Grusson et leurs affluents abritent encore, dans leur partie amont, une faune aquatique remarquable. Ainsi, l’écrevisse à pattes blanches (Austropotamobius pallides), espèce autochtone en forte régression au niveau national et inscrite aux annexes II et V de la directive « habitats », s’est maintenue à la faveur d’eaux de bonne qualité. Autrefois abondante dans la majorité des cours d’eau du territoire, cette espèce n’est plus présente que dans les « têtes de bassin ». Elle fréquente des eaux douces stagnantes ou courantes, bien oxygénées, aux fonds graveleux.

La loutre (Lutra lutra) et le vison d’Europe (Mustella lutreola) sont tous deux des mammifères inféodés aux cours d’eau. Ils ont été formellement identifiés sur une partie de ce réseau hydrographique, ce qui a notamment justifié l’inscription des sites « Réseau hydrographique du Beuve » (site Natura 2000 n° FR7200802), ainsi que celui du Brion (site Natura 2000 n° FR7200801) dans le réseau NATURA 2000. Exploitant d’importants linéaires de cours d’eau (jusqu’à 40 km de berges de cours d’eau pour la loutre mâle), ces mammifères se sont maintenus grâce à la présence d’une forêt galerie d’aulne et de frêne continue. Enserrant les cours d’eau, elle constitue un véritable corridor biologique permettant les échanges entre noyaux de populations.

Les milieux naturels des Landes girondines
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Le massif forestier des landes girondines

Le massif forestier des Landes de Gascogne, dont les Landes girondines constituent la partie nord, correspond essentiellement à la forêt cultivée. Le pin maritime en est l’essence principale et représente 92% des surfaces boisées de production. Derrière l’apparente monotonie de la pinède se cache une étonnante diversité de milieux naturels qui sont autant de vestiges de l’histoire géologique et humaine de ce territoire. Là encore, c’est l’eau qui en constitue le facteur de différenciation, et qui a façonné dans ce massif des milieux humides tout à fait originaux.

Quelques repères géomorphologiques

Le terme de Landes de Gascogne correspond à cette entité géomorphologique triangulaire délimitée par le rivage océanique à l’ouest, l’Adour au sud et la Garonne à l’est et qui est occupé par un vaste épandage de sable d’une superficie de plus de 10 000 km2.

Le mauvais écoulement des eaux dans les landes de Gascogne, consécutif à plusieurs mouvements tectoniques (ou défluvation), est en grande partie dû au fait que ce territoire est situé à l’écart des grands axes de drainage, vers le sud pour les rivières du bassin de l’Adour et au nord pour les rivières du bassin versant de la Garonne, laissant de vastes secteurs d’interfluve mal drainés et inondés six mois par an. Ce sont les travaux d’assainissement et de mise en valeur réalisés au XIXème siècle qui ont permis la plantation du massif forestier que l’on connait.

Cette histoire géologique récente a déterminé trois types de zones présentant une hydromorphie prononcée :

  • les landes humides situées sur les zones d’interfluves : paradoxalement ce sont les parties hautes qui sont les moins bien drainées puisqu’elles n’étaient pas atteintes par le réseau hydrographique naturel avant l’intervention de l’homme. Le degré d’humidité de ces landes (et par conséquent de leur préservation) dépend actuellement dans une très large mesure de l’état d’entretien du réseau artificiel d’assainissement. Elles sont parsemées de lagunes et de tourbières ;
  • les zones humides associées à la présence de cours d’eau, correspondant aux secteurs de divagation naturelle ;
  • la chaîne des zones humides du littoral : malgré les efforts de l’homme depuis un siècle et demi pour favoriser l’écoulement des eaux, les étangs de l’arrière dune littorale sont encore bordés par de vastes zones marécageuses résultant du blocage des eaux par le cordon dunaire.

Les milieux naturels

Les landes humides et les lagunes

L’abandon des parcours à moutons et la généralisation des méthodes modernes de sylviculture ont entrainé des modifications importantes dans la physionomie de la végétation spontanée. La composition des communautés floristiques actuelles des landes humides résulte à la fois de la proximité de la nappe phréatique, de la nature du sol et du type d’entretien pratiqué dans le sous bois. Ainsi, malgré une apparente monotonie structurale, l’écosystème « lande humide » peut être relativement diversifié par des variations locales de la microtopographie et surtout par les modes de conduite sylvicole des boisements. À l’intérieur du massif forestier, ce sont de ces paramètres dont va dépendre la plus ou moins grande richesse écologique.

Les landes rases

Qui couvraient quelques 600 000 ha au début du XVIIIème siècle, ont aujourd’hui pratiquement disparu et il n’en subsiste en Gironde que sur les camps militaires de Souge et de Captieux. Ces milieux dont la végétation est dominée par la molinie associée aux bruyères et aux ajoncs constituent donc un précieux vestige de l’ancien paysage des Landes de Gascogne.

Avec les landes rases ont disparu des espèces inféodées à ces grandes étendues herbacées humides, comme le courlis cendré, l’oedicnème criard ou l’outarde canepetière. Les grues cendrées, à l’inverse, ont su se maintenir dans le champ de tir de Captieux qui constitue un des seuls sites d’hivernage de cet oiseau en France. Elles trouvent des ressources alimentaires complémentaires dans les champs de maïs grâce aux grains tombés sur le sol lors de la récolte.

L’intérêt écologique de ces vestiges réside dans la présence d’une entomofaune particulière. Ces landes humides abritent certaines espèces devenues très rares comme le fadet des lèches, petit papillon inféodé aux landes humides à molinie.

Les lagunes

Plusieurs milliers de lagunes ont été dénombrées dans le massif des Landes de Gascogne. Elles se présentent le plus souvent sous la forme de dépressions circulaires ou ovales de quelques dizaines de mètres de diamètre. Elles sont surtout abondantes le long d’un axe Sud-Est Nord-Ouest (cf. figure).

Alimentées essentiellement par la nappe phréatique et les eaux de percolation du sol, ces micro zones humides présentent des conditions de vie souvent « extrêmes » pour les organismes vivants qu’elles abritent (pH<4,5, fortes variations de température et d’oxygénation dans l’eau, …). Ces conditions déterminent une sélection importante des organismes vivants et expliquent la présence de certaines espèces très spécialisées et intéressantes du fait de leur répartition restreinte. C’est le cas par exemple du lézard vivipare ( Lacerta viviparia ). Elles constituent également des sites essentiels pour les amphibiens (zone de ponte et de développement).

Les tourbières

Elles correspondent souvent soit à un stade avancé de l’évolution des lagunes, soit à la zone d’étalement des eaux le long de certains cours d’eau ou de crastes. Les conditions écologiques (milieu acide et anaérobie) permettent le développement et l’accumulation des sphaignes à l’origine de la formation de la tourbe. Comme pour les lagunes, les tourbières abritent des espèces très particulières et peu communes : elles sont considérées comme de véritables réservoirs de biodiversité remarquable.

Faux cresson de Thore : espèce amphibie, généralement dans des milieux restant humides pendant l’été (tourbes acides, pH < 5), endémique d’Europe de l’ouest, du sud-ouest de la France à l’ouest du Portugal.

Les vallées des cours d’eau

Les cours d’eau landais (L’Eyre, le Ciron, le Gât Mort…) et leurs vallées constituent une richesse écologique indéniable par les dynamiques fluviales encore relativement bien préservées. Tous ces cours d’eau sont ourlés par une bordure de feuillus (aulnes et chênes pédonculés dominants) qui constituent une véritable « forêt galerie ». Lorsque la vallée majeure s’élargit, des formations végétales hygrophiles colonisent l’ensemble de la zone de mobilité latérale du cours d’eau, créant une véritable mosaïque de milieux humides : cariçaie, roselière, aulnaie, saussaie, chênaie… dont la répartition obéit à la diversité des conditions hydrologiques et pédologiques. Leur importante richesse spécifique contraste avec la pauvreté relative de la forêt de production.

Ces milieux constituent des refuges et des corridors écologiques pour des mammifères menacés ou en danger d’extinction comme le vison d’Europe et la loutre.

Les milieux naturels du littoral
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L’originalité de l’évolution géomorphologique du littoral aquitain a déterminé l’apparition d’écosystèmes très particuliers. Ainsi, la formation des marais et plans d’eau d’arrière dune - liée à une accumulation d’eau douce sur substrat sableux - ne se rencontre à une aussi vaste échelle nulle part ailleurs sur la façade atlantique européenne. L’analyse écologique de n’importe quel secteur de cette bande littorale fait immédiatement apparaître l’intérêt qui résulte de la juxtaposition de quatre types de milieux très différents : les dunes, les plans d’eau permanents, les marais doux et les milieux forestiers (pinède pour l’essentiel). L’interpénétration des influences de chacun de ces grands ensembles écologiques engendre toute une mosaïque de biotopes, qui s’organisent selon un gradient d’humidité du substrat.

La végétation dunaire, habitats et espèces originaux

Le cordon dunaire constitue un milieu physique très dynamique qui fluctue en permanence sous l’action conjointe de la mer et du vent. Une végétation originale peuple les dunes, où elle a dû s’adapter à des conditions physiques difficiles : projection de sable, forte salinité, puissance du vent… Elle joue un rôle essentiel dans l’édification et le contrôle de la mobilité du trait de côte. La flore est organisée en bandes parallèles à la côte, et chacune peut être caractérisées par une association végétale. Du rivage vers l’intérieur, on distingue :

La végétation du haut de plage

Immergée lors des grandes marées, est très peu développée, tant en raison de l’érosion marine que de la pression humaine (piétinement, nettoyage mécanique…). Il s’agit d’une flore « halo-nitrophile » qui supporte la salinité et la matière organique contenue dans les laisses de mer.

La végétation des banquettes et dunes embryonnaires

Moins précaire que la précédente, elle se développe sur les premières formations terrestres, très occasionnellement submergées. Une végétation à base de chiendent des sables (Agropyrum junceum) s’élève au fur et à mesure de l’arrivée nouvelle de sable.

La végétation de la dune vive (ou dune blanche)

C’est le cordon de dune mobile, à forte accumulation de sable grâce à l’action de végétaux psammophiles (qui se développent dans le sable) dominés par l’Oyat (Ammophila arenaria) ou Gourbet pour les aquitains. Après les phases pionnières pendant lesquelles l’Oyat domine, un cortège plus varié d’espèces s’implante et constitue une formation végétale herbacée plus dense.

La végétation de la dune semi fixée

Elle se développe à l’abri du cordon de dune vive, où les phénomènes d’accumulation et de transit sont atténués. La fétuque (Festuca juncifolia) et le gaillet (Galium arenarium) constituent des petites prairies d’aspect clairsemé, mais à système racinaire en réseau dense et efficace contre l’érosion éolienne.

La végétation des dunes grises et des lettes

Elle occupe l’arrière dune, sans transit sableux et assez bien abritée des embruns. Les mousses et les lichens constituent une part importante de la pelouse basse à fort recouvrement. De nombreuses espèces annuelles à floraison précoce (adaptation à la sécheresse estivale forte) parsèment cette pelouse dominée par l’immortelle (Helichrysum stoechas).

La végétation de la frange forestière

Le passage progressif de la pelouse de la dune grise à la forêt est très important pour la richesse biologique et paysagère de cette limite externe des dunes non boisées. Dans l’« ourlet », la végétation basse de la dune grise s’enrichit d’espèces pré-forestières, de petits buissons bas, de végétaux semi-ligneux. La zone de jonction avec les arbres forestiers est constituée de buissons et d’arbres déformés par les vents souvent chargés d’embruns salés et de sable. Ils présentent des formes étonnantes (anémomorphoses), par exemple des arbres en « drapeau », ou prostrés sur le sol. Au nord du bassin d’Arcachon, la pinède à chêne vert (Quercus ilex) présente un sous bois très riche en arbousier (Arbutus unedo), mêlé au chêne pédonculé. A partir du nord Médoc, le Garou (Daphne gnidium) et le troène (Ligustrum vulgare) apparaissent dans la frange forestière.

Les boisements sur les dunes anciennes

La forêt dunaire constitue la dernière bande de végétation du complexe dunaire littoral. Forêts établies depuis longtemps sur les dunes anciennes, elles présentent une structure arborée bien développée et un assemblage d’espèces forestières caractéristiques. Sur la côte girondine, il s’agit de forêt mélangée de Pin maritime, de chêne vert et de chêne pédonculé, ou de pineraie maritime pure. Dans les secteurs en dépression (lettes), on peut aussi rencontrer des boisements humides : saulaie bétulaie ou saussaie à saule blanc. Ces dernières jalonnent l’arrière dune littorale, chapelet de milieux humides « coincés » entre les étangs et la dune grise. Sous ces boisements se sont développés des sols où la décomposition des litières et l’incorporation de la matière organique s’effectuent lentement, d’où l’accumulation d’une matière organique peu évoluée en surface.La forêt dunaire de pin maritime et de chêne vert a une aire de répartition restreinte. Elle fait partie des habitats d’intérêt communautaire (code Natura 2000 : 2180) et est l’objet de mesures de protection. La gestion orientée vers la préservation de la biodiversité qu’elle renferme passe par la prise en compte des microfaciès, déterminés par la pente et l’exposition. Sur le plan sylvicole, elle nécessite de travailler par petites unités et de maintenir les deux essences dominantes (Pin maritime, chêne vert).La pineraie de pin maritime, où cet arbre est très dominant, occupe une aire de répartition encore plus restreinte sur le littoral atlantique, limitée aux dunes anciennes littorales entre la pointe de Grave et le bassin d’Arcachon. Cet habitat forestier fait aussi partie des habitats d’intérêt communautaire (code Natura 2000 : 2180).

La forêt usagère de la Teste de Buch s’étend au sud de la dune du Pilat, sur 3800 ha. Cultivée pour sa résine depuis plus de 2000 ans, cette forêt n’a pas été exploitée dans le cadre de la sylviculture, ce qui lui donne un visage très particulier, que l’on ne trouve nulle part ailleurs dans la forêt landaise. Les habitants résidant depuis plus de dix ans sur les communes de Gujan-Mestras et de La Teste (le Bourg, Cazaux, le Pyla et le Cap Ferret) avaient le droit de prélever le bois mort pour le chauffage et du bois vert pour la construction de maisons ou de bateaux. Aujourd’hui pratiquement tombés en désuétude, ces droits d’usage font l’objet de reconstitutions historiques pittoresques. Célèbre parmi les juristes aquitains, ils ont engendré de nombreux conflits dont certains sont toujours d’actualité.La forêt usagère a ainsi connu une évolution autonome constituant un massif complexe, dont la gestion très extensive a donné un milieu forestier à forte « naturalité », renfermant une importante biodiversité en comparaison avec les pinèdes d’exploitation du massif des landes de Gascogne. Cette futaie irrégulière comprend tous les stades d’évolution forestière, des arbres les plus jeunes jusqu’aux phases de sénescence. Cette forêt millénaire est enfin le complément naturel du grand site national de la dune du Pilat.

La végétation du bord des étangs et des marais et leurs fonctions écologiques

Le contraste entre les rives ouest et est des étangs constitue l’élément le plus visible du paysage : la dune boisée de pins maritimes et de chênes verts en sous-bois surplombe une rive occidentale étroite, tandis que la rive orientale s’étend, plate, herbeuse et inondable, jusqu’à la lisière des premières parcelles de pinède d’exploitation. Les feuillus (chêne pédonculé, bourdaine, bouleau, saules…) soulignent la transition entre marais doux et forêt d’exploitation, souvent très en recul des rives des plans d’eau. La pente douce à l’est offre la possibilité d’une colonisation floristique sans discontinuité entre l’eau et le milieu terrestre. Toute variation des niveaux d’eau gérés au niveau des exutoires des étangs (canal entre les étangs) influence directement les surfaces de zones humides sur cette rive est qui occupent plusieurs dizaines de milliers d’hectares.

Cette lisière aquatique, où s’implantent des ceintures végétales selon le gradient d’humidité du substrat, représente un des principaux pôles d’intérêt écologique de ce littoral. Les habitats naturels qui occupent cette « gouttière », sans discontinuité entre la Garonne et l’Adour, constituent une des principales zones d’échange et de circulation notamment pour une grande partie de l’avifaune migratrice nord occidentale inféodée aux milieux aquatiques : sites de repos lors des migrations, la chaîne des étangs et marais doux arrière littoraux offre une nourriture abondante et variée du fait de la forte productivité biologique des milieux palustres ; ces biotopes servent également de lieu d’hivernage pour de nombreux oiseaux (sarcelles d’été, canards, limicoles et passereaux paludicoles…). Par voie de conséquence, l’importance des flux migratoires confère à l’axe des marais littoraux arrière dunaire un intérêt cynégétique primordial.

Agriculture et boisements

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Les origines du paysage girondin

Avant son occupation humaine complète, le territoire départemental présentait un visage bien distinct de celui d’aujourd’hui ; la différence témoigne de la puissance de façonnage de l’espace girondin par l’homme. Quelques éléments ont néanmoins perduré. Les pins maritimes occupaient en grand nombre une partie des dunes littorales, formant de vastes forêts. En arrière de celles-ci, les lacs d’eau douce ont traversé les millénaires et les landes marécageuses, qui s’étendaient à l’ouest de l’estuaire, sont restées jusqu’au XIXème siècle des paysages quasiment vierges de toute intervention humaine. Au contraire, sur les terres calcaires de l’intérieur (principalement l’Entre-Deux-Mers), les paysages agricoles largement ouverts que l’on connaît aujourd’hui étaient occupés par une chênaie étendue et dense, qui profitait d’un climat plus doux et humide.

Cette carte étant basée sur des données datant de 2006, les dégâts de la tempête de 1999 apparaissent de façon prépondérante, ce qui explique la surface très importante identifiée sous la légende "Forêt clairsemée, coupe forestière, chablis ou friche arborée". Cette catégorie peut concerner tout autant des pinèdes (comme c’est le cas dans le massif des Landes girondines) que des forêts de feuillus ou des peuplements mixtes.

1- Les transformations humaines du territoire
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Avec l’essor des peuplements humains se développent les premières formes d’agriculture et d’élevage (vers -5000, dans la partie nord du Médoc) et donc les premières interventions humaines sur le territoire. L’incidence de ces activités sur le paysage va progressivement prendre de l’ampleur : régression puis quasi-disparition de la chênaie de l’Entre-Deux-Mers due à l’intensification du pastoralisme (vers -1500) ; débuts de la viticulture suite à l’introduction du plan Biturica - adapté aux conditions pédologiques et climatiques locales - par les romains (au milieu du premier siècle après J.C.) ; implantation des villas et créations des domaines agricoles dans l’est du département... Le Moyen-Âge voit ces transformations s’accélérer : l’accroissement important de la population entraîne la multiplication des défrichements et l’élargissement continu des terrains cultivés ; l’amélioration des techniques permet d’implanter la vigne sur des terres auparavant inadaptées, comme les palus...

Dans le même temps, et dès le début du Moyen-Âge, les landes marécageuses sont occupées par une population, réduite et dispersée, de bergers vivant en autarcie. Au sein de ces terres incultes, ils mettent en place un système agropastoral complexe pour assurer leur subsistance : l’élevage des moutons apporte le fumier nécessaire à la fertilisation des quelques terres cultivées. Les familles se regroupent autour de bosquets boisés, sur des terres proches des cours d’eau : ces quelques arbres sont alors des refuges dans les landes rases qui s’étendent à perte de vue, et la proximité d’une eau courante permet de disposer de sols mieux drainés. Ces bergers, entrés dans l’imagerie populaire juchés sur leurs échasses, sont longtemps restés les seuls habitants de ces terres inhospitalières.

Le développement de l’agriculture et des techniques ne suffisent pas à expliquer toutes les évolutions du paysage, les interventions humaines vont souvent au-delà. Ainsi, pendant la période des invasions (jusqu’au Vème siècle), les attaques nombreuses détruisent la forêt des landes, laissant le cordon dunaire littoral sans protection. Plus tard, sous la domination des anglais, des relations commerciales privilégiées s’établissent avec l’occupant : c’est à cette époque que le vignoble girondin se constitue. Pour faire face à la demande anglaise, les vignes s’étendent et les techniques s’améliorent, les terres de graves sont exploitées à leur tour... Le territoire s’organise de plus en plus autour de la production viticole.
9-043 - Le creusement de nombreux canaux a permis la mise en culture des marais de Braud-et-Saint-Louis, Saint-Ciers-sur-Gironde

Les transformations du paysage prennent de plus en plus d’ampleur : à partir du XVIIème siècle, le pouvoir monarchique initie des projets radicaux. Sur les berges de l’estuaire, les marais sont asséchés, quadrillés de canaux et de digues par des ingénieurs hollandais afin de pouvoir être exploités (entre 1628 et le milieu du XVIIIème siècle). Divers projets sont lancés dans les landes au cours du XVIIIème siècle, afin de valoriser ces terres pauvres : salines, plantations... Bien qu’ils aient souvent échoué, ils ont permis d’amorcer une dynamique sur ce territoire : en 1786, le projet de fixation des dunes (mouvantes depuis la disparition de la forêt) est amorcé par Brémontier. Ces grands travaux, achevés en 1876, ont permis l’assainissement et la mise en culture des landes (par la loi de 1857), transformation radicale du paysage sur presque la moitié du département : la grande forêt de pins des Landes est née.

Parallèlement à ces travaux, le développement du vignoble s’est poursuivi : les grands propriétaires étendent leurs domaines aux meilleurs terroirs, les exploitations dans le Médoc se multiplient, ainsi que les vignes de palus dans les vallées. Mais deux graves crises s’abattent sur ce secteur : l’oïdium dès 1851 et le phylloxéra à partir de 1865. Les vignes ne résistent pas à cet insecte américain et la production s’effondre. La pignada, au contraire, est à son apogée : les pins sont exploités pour leur résine (récolte par gemmage pour les besoins de l’industrie) et leur bois (traverses de chemin de fer ou étais pour tunnels miniers principalement), assurant une activité florissante. Tandis que le vignoble est reconstitué grâce à des porte-greffes résistants au parasite, la forêt, elle, brûle au milieu du XXème siècle. Tout comme les vignes, elle sera replantée - de manière rationnelle et en tenant compte des risques d’incendie - mais sans le même succès qu’auparavant : le gemmage disparaît progressivement et, à partir des années 1960, de vastes parcelles de cultures de maïs remplacent les pins dans de larges clairières.

2- La forêt de pins
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Plus grand massif forestier d’Europe, planté presque d’une traite sur toute sa surface au milieu du XIXème siècle, la forêt mono-spécifique des landes girondines est un paysage totalement artificiel, fruit d’une volonté politique et économique. En effet, les marais qui occupaient l’ensemble de ces terres ont été assainis afin de pouvoir être valorisés par une production rentable ; le choix du pin maritime, espèce cohérente car déjà présente en grand nombre sur le littoral, permettait d’anticiper une valorisation par le gemmage et la vente du bois sous diverses formes. Cette exploitation a connu des périodes de grande rentabilité, mais aussi des crises brutales, à commencer par la série d’incendies dévastateurs de l’été 1949. Après ce premier traumatisme, la forêt est replantée, des systèmes de pare-feu sont mis en place.

Aujourd’hui, cette vaste forêt couvre encore de façon très homogène tout l’ouest du département, mais elle offre cependant une certaine diversité de paysages. La gestion des parcelles en futaie régulière présente des peuplements de même âge, mais l’alternance de ces parcelles assure la variété : passant d’une plantation récente, basse et opaque, à un peuplement mâture, haut et transparent, l’œil ne perçoit pas les même paysages. La nature des sous-bois - plus ou moins humides, plus ou moins entretenus... - et le traitement des routes - bords enherbés, canaux latéraux, pistes forestières... - contribuent aussi : à différencier les ambiances. L’échelle de ce boisement et la faible occupation urbaine de ce territoire permettent aussi, malgré la gestion monospécifique, le développement de milieux plus fragiles ou précieux. La création dès 1970 du Parc Naturel Régional des Landes de Gascogne souligne ces qualités paysagères et environnementales, qui méritent d’être préservées.

Les sous-bois regroupent différents cortèges floristiques, liés à la variété des situations hydrologiques des landes : dans cette région sableuse, l’abondance en eau dépend du niveau de la nappe phréatique, de la proximité des cours d’eau, de la profondeur de la couche d’alios.. Ces facteurs dessinent ici trois milieux spécifiques. Les landes humides, mal drainées et marquées tout au long de l’année par la présence de l’eau, sont caractérisées par la molinie bleue, très développée sur ces terrains. Les landes mésophiles, sèches en été mais suffisamment humides durant l’hiver, sont nettement dominées par la fougère aigle. Enfin, les landes sèches, situées principalement non loin des crastes et ruisseaux drainants, forment un habitat idéal pour la bruyère cendrée et la callune. Cette diversité de milieux, antérieure à la plantation des pinèdes, a été bouleversée par l’implantation de celle-ci : l’assainissement par drainage, la consommation en eau des pins, la couverture forestière, ont modifié les conditions. Le développement des cultures céréalières, accompagné d’irrigation et de nouvelles opérations de drainage, poursuit ces transformations, et les milieux tendent aujourd’hui à se simplifier et s’homogénéiser, au détriment des richesses floristiques héritées.

Malgré son aspect monumental, cette forêt est fragile. Ecosystème artificiel, géré dans un objectif de production, elle n’offre plus autant de garanties de rentabilité que par le passé. Déjà, depuis les années 1960, de vastes clairières ont été plantées de maïs aux retombées financières plus immédiates, irrigué à outrance afin d’assurer la production. Plus récemment, la fragilité des pins face aux tempêtes (Lothar et Martin en 1999, Klaus en 2009) a compromis l’économie forestière à court terme et remis en cause la gestion de la forêt à long terme. Ainsi, les rotations des plantations sur cinquante ans apparaissent trop hasardeuses, et pourraient évoluer vers des cycles plus court. Les Landes de Gascogne vivent en ce moment une période charnière, et les enjeux impliquent de nombreux domaines, dont celui du paysage.

3- Le vignoble
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Paysage emblématique du département, le vignoble domine largement sa partie est. Mais il ne présente pas un visage uniforme sur tout ce territoire : chaque terroir a son histoire, plus ou moins ancienne, et développe des caractéristiques paysagères propres. Avec 120 000 ha de vignes classées en Appellation d’Origine Contrôlée, la Gironde représente un des plus importants vignobles de crus au monde, tout en ayant, la première, mis en place de telles mesures de valorisation de sa production. Aujourd’hui, la viticulture y tient un rôle économique majeur, mais elle est aussi une agriculture patrimoniale, chargée de l’histoire des hommes et du territoire, comme le montre l’inscription par l’UNESCO, en décembre 1999, de l’ancienne juridiction de Saint-Emilion sur la Liste du Patrimoine Mondial, au titre des paysages culturels.

Tout en couvrant une très grande partie du territoire départemental, le vignoble offre des aspects différents : l’unicité de chaque vin, qui naît d’une relation exclusive avec son terroir, se traduit par des paysages singuliers. Si certains pays, comme Saint-Emilion ou Pomerol, offrent au regard des étendues sans fin de monoculture de vigne, d’autres voient ces parcelles mêlées, plus ou moins étroitement, à des boisements ou des pâtures, c’est souvent le cas dans les vallées. Exposition, sols, humidité : tous ces facteurs influent directement sur la vigne, et cette culture a été adaptée différemment à ces contraintes variées. Terrassements, digues de protection, canaux de drainage ont permis d’installer la vigne des vallées alluviales jusqu’aux plateaux sableux, en passant par les terrasses graveleuses. Les modes de gestion ou de taille sont également différents : vigne basse ou haute, écartement des règes, type de taille pratiquée... Ces variations peuvent créer des horizons viticoles très disparates.

Malgré l’étendue - souvent impressionnante - des surfaces cultivées, la vigne reste toujours une agriculture "à échelle humaine". En effet, chaque cep, élément de base de ces paysages monumentaux, a fait l’objet de soins personnalisés : de la plantation aux vendanges, la présence humaine se constate tout au long de l’année dans les vignes. Aujourd’hui, même si de plus en plus d’opérations sont automatisées, la taille est toujours effectuée à la main, ce qui participe évidemment de l’aspect infiniment soigné de ces paysages. Cette importance grandissante de la machine transforme les vignes (écartement des règes plus importants pour faciliter l’accès) ainsi que la structure des exploitations : depuis le milieu du XXème siècle, le nombre de producteurs est en chute libre (60 000 en 1950, moins de 12 000 en 1999).

Avec les machines, les produits phytosanitaires sont le premier allié du viticulteur : les 3 % de la Surface Agricole Utile française plantés en vigne totalisent ainsi 25 % de la consommation d’herbicides. Ce constat amène à se poser la question des milieux naturels liés à la vigne, étant donnée l’importance des surfaces couvertes. Quelle place est laissée à la biodiversité dans ces pays résolument tournés vers le vin ? Quel rôle pourraient jouer les pratiques raisonnées ou biologiques dans l’évolution de la viticulture girondine ?

4- Les cultures
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D’autres cultures, moins étendues ou plus récentes, participent des paysages du département. Exploitations anciennes arrivées à un stade avancé de déclin, productions à destination locale, ou encore introduction de pratiques nouvelles, toutes composent la variété des paysages girondins en remplaçant ou en s’associant avec les pins et la vigne.

Le maïs a la part belle parmi les céréales. Nous avons évoqué plus haut la plantation de vastes clairières, au sein de la pinède, dans les années 1960 : d’énormes rampes d’arrosage assurent l’irrigation de champs circulaires, drainés par des réseaux de fossés complémentaires. Cette assistance constante permet d’assurer à ces champs une des meilleures productivités au monde. Si le maïs garde le monopole dans ce secteur des Landes, on le retrouve, ainsi que d’autres céréales, dans les palus et les vallées, où ces cultures ont souvent remplacé l’élevage. Là aussi, les terres alluviales nécessitent souvent drainage et irrigation, pratiques peu cohérentes avec le territoire et ses atouts.

A une échelle plus réduite, le maraîchage crée des paysages riches, rares et précieux ; souvent pratiqué en clairières au sein des boisements, il compose des parcelles très fines. Lorsqu’il est établi à proximité des centres urbains, sa pérennité peut être compromise par les pressions foncières. Dans certains pays comme le Bazadais, la polyculture a toujours tenu une place prépondérante, mais ces pratiques sont malmenées ces derniers temps. Ainsi, la culture du tabac a quasiment disparu, remplacée en général par le maïs ; la seule trace visible de cette ressource autrefois majeure est architecturale : les séchoirs à tabac, bâtiments hauts et étroits à pans de bois sombres, parsèment encore la campagne. De même, les cultures de vimes - qui fournissaient l’osier servant à ligaturer les ceps de vigne - se font de plus en plus rares aujourd’hui : les techniques modernes ont rendu inutile cette production, qui est devenue anecdotique dans les paysages girondins. Vers l’est de l’Entre-Deux-Mers, on trouve aussi quelques vergers, annonciateurs des paysages du Lot-et-Garonne.

Dans les vallées, aux paysages complexes articulant vignes, prairies, boisements et cultures, des plantations plus récentes perturbent cet équilibre de façon importante par l’ampleur de leur développement : de nombreuses peupleraies, s’étendant sur les rives des fleuves et rivières, ont une incidence forte sur les paysages en bouchant totalement les vues depuis ou vers les vallées. La substitution de pâtures ouvertes par des boisements fermés aux sous-bois appauvris perturbe l’équilibre des panoramas comme des écosystèmes.

5- Le rôle de l’élevage
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L’élevage reste une activité assez marginale à l’échelle du département, avec un cheptel total d’environ 60 000 bovins, 25 000 ovins et 20 000 porcins. L’activité manque de rentabilité pour prendre une vraie importance, et connait actuellement des difficultés certaines, mais le rôle de ces bêtes dans les paysages mérite d’être souligné. Ainsi, certains viticulteurs élèvent des troupeaux : une vingtaine de moutons leur permet de débroussailler les vignes tout en enrichissant le sol par engrais animal. Plus bas dans les palus, les paysages de marais polderisés - principalement destinés à la pâture à leur création - ont été largement investis par les chasseurs et la céréaliculture. Quelques éleveurs continuent néanmoins à mener paître leurs moutons sur ces terres : entretenant réseaux de drainage et haies, ils contribuent à maintenir ces paysages exceptionnels.

Les fonds de vallons humides sont restés longtemps destinés presque exclusivement à la pâture ; aujourd’hui, malgré un enfrichement important dans certains pays et le développement des peupleraies, les prés pâturés restent fréquents aux bords des cours d’eau, peu exploitables directement pour la vigne ou les céréales. De nombreux haras et centres équestres s’accompagnent aussi de vastes prairies, générant des atmosphères différentes qui tirent profit de la présence des chevaux. Si l’élevage n’est pas une activité phare pour la Gironde, il contribue donc tout de même à enrichir ses paysages, apportant de la variété et de la vie dans les cultures.

Urbanisation et infrastructures

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1- Les origines de l’occupation du territoire girondin
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Avant les invasions romaines, quelques tribus gauloises sont déjà installées dans la région, elles ont notamment fondé le port de Burdigala durant le IIIème siècle avant JC. L’année -56 marque le début de la colonisation, et donc de l’organisation du territoire par les romains. Non seulement ils développent les villes et les voies, créant un réseau important, mais ils investissent aussi la campagne. L’implantation de nombreuses villas, accompagnées de leurs exploitations, est à la base de l’occupation du territoire girondin : la structure de l’habitat rural ainsi mise en place guidera l’histoire urbaine du département. Six voies romaines se croisent à Bordeaux, qui devient vite une ville majeure. Après une invasion en 276, elle est fortifiée par une muraille quadrangulaire de 700 par 450 m. Les attaques se poursuivent après cette époque : les populations se regroupent, les places fortifiées se multiplient.

A partir du Xème siècle, l’Eglise joue à son tour un rôle moteur, tandis que la Gironde connaît une nette poussée démographique. Les religieux guident ou aident les paysans lors de défrichements et fondations de villages, ils bâtissent de nombreuses églises, et l’habitat rural se concentre autour de ces repères. Des zones auparavant isolées sont ainsi exploitées, mais, souvent, des terres anciennement cultivées par les romains sont réinvesties. Les abbayes deviennent des pôles de peuplement, tandis que les hôpitaux et prieurés, lieux d’accueil des pèlerins, soulignent le passage des chemins de Saint-Jacques-de-Compostelle.

Pendant l’occupation anglaise (à partir de 1154) et la Guerre de Cent Ans (de 1337 à 1453), de nombreuses défenses sont bâties, soit par l’occupant, soit par le pouvoir royal : forteresses de pierre (et non plus de bois), remparts, églises fortifiées. Des bastides, anglaises ou françaises, sont fondées pour des raisons démographiques, économiques (Libourne) ou défensives (Sainte-Foy-la-Grande), notamment dans l’Entre-Deux-Mers, zone de frictions importantes. Bordeaux se développe également : une troisième enceinte est construite vers 1324, pour protéger les faubourgs. Après la guerre, des zones désertiques sont dévolues à l’immigration : les nombreux étrangers (gavaches en gascon) qui viennent peupler ces "gavacheries" permettent une reconstruction assez rapide.

La fin du XVIIème siècle marque le début d’une période de grands projets : reconstruction du château Trompette à Bordeaux, mise en place du verrou constitué par la citadelle de Blaye, fort Paté et fort Médoc... Au XVIIIème siècle, la création du corps des ingénieurs des ponts et chaussées est le symbole de cette politique volontariste d’aménagement du territoire (le projet de fixation des dunes littorales illustre bien cet état d’esprit). Les grands intendants de Bordeaux et Libourne, eux aussi, lancent d’importants travaux : ordonnancements monumentaux, reconstruction en pierre. Sur le département, la population connaît de nouveau une croissance importante : les peuplements se développent, autour de Bordeaux comme dans les campagnes. Les berges de rivières, interfaces entre la production et la commercialisation du vin, concentrent activités et population : moulins, pêcheries, cales... Le nombre très réduit de ponts augmente encore l’importance de ces ports, lieux de franchissement privilégiés des cours d’eau.

Une chute de population majeure frappe la Gironde au début du XIXème siècle : 570 000 habitants en 1790, 503 000 en 1801 et 320 000 en 1806. Ce recul, et la baisse d’activité liée, entraînent un déclin des aménagements : ports, routes et ponts, non entretenus, voient leur état se dégrader. Mais bientôt, de nouveaux projets d’infrastructures sont menés, avec plus ou moins de succès : les canaux de navigation et les voies ferrées sont les nouveaux vecteurs de transport. Parmi les plus fructueux, on peut citer la ligne Bordeaux Arcachon (en 1841, quatrième ligne construite en France), le canal latéral à la Garonne (mis en eau en 1856), la ligne Bordeaux Toulouse (1856 également)... Parallèlement à ce développement, certaines communes des Landes girondines ne sont toujours pas accessibles par la route, tandis qu’un réseau ferré secondaire est mis en place pour faciliter l’exploitation forestière. En l’absence de houille, le traitement de la résine des pins est d’ailleurs la seule activité secondaire d’importance : le département ne prend pas part à la révolution industrielle.

La création d’Arcachon est un phénomène majeur du développement urbain sur le département. Au début du XIXème siècle, les rives du bassin sont encore désertes. Après un premier hôtel implanté en 1823, la ville s’étend de plus en plus, notamment avec l’arrivée du chemin de fer (1841). L’attirance récente pour les bains de mer et la publicité faite par les médecins - vantant les qualités du climat et des eaux d’Arcachon - contribuent à assurer le succès de la cité balnéaire. La Ville d’Hiver, puis la Ville d’Eté se construisent ; la population fixe d’Arcachon passe d’environ 750 habitants en 1866 à 3000 en 1881, puis plus de 8000 en 1886.

Cet engouement pour le littoral s’accentue au cours du XXème siècle, et la pression touristique augmente de façon marquée sur toute la façade Atlantique, particulièrement à partir des années 1960. C’est pourquoi la Mission Interministérielle d’Aménagement de la Côte Aquitaine (MIACA) est créée en 1967, afin d’encadrer le développement urbain et touristique. Le Schéma d’Aménagement de la Côte Aquitaine voit le jour en avril 1972, il prévoit de doter le territoire des équipements touristiques nécessaires en lui donnant une image de marque originale fondée sur la conjonction de l’océan, de la forêt et des lacs, tout en lui conservant son équilibre écologique et humain. Des Secteurs d’Equilibre Naturel sont ainsi créés, afin de préserver les milieux entre les zones à développer, traitées perpendiculairement à la côte et appuyées sur l’urbanisation existante. Ce programme ambitieux et mené de façon volontaire a permis à la côte Aquitaine de préserver la grande qualité de ses paysages.

2- L’urbanisation du territoire aujourd’hui / cartographie
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Dans la répartition du bâti se lit une fois de plus la dichotomie est-ouest qui organise le département : à l’est de la diagonale Garonne-Gironde, l’occupation humaine se répartit assez uniformément, héritage lointain des premières implantations agricoles gallo-romaines ; à l’ouest au contraire, le caractère désertique des Landes girondines reste dominant, et les villages semblent bien isolés les uns des autres - le Bassin d’Arcachon, véritable agglomération balnéaire, fait encore une fois figure d’exception. Entre ces deux pays très distincts se trouvent Bordeaux et son aire urbaine, accrochées à un méandre de la Garonne et réunissant plus de la moitié de la population girondine.

Historiquement, l’urbanisation du territoire girondin est peu dense, et adopte plutôt une organisation diffuse. Cette structure du bâti, associée à une géographie relativement plane qui ne présente que peu de contraintes et offre beaucoup d’espace disponible, tend à exposer le département aux occupations lâches et au mitage.

Depuis le milieu des années 1970, l’augmentation du nombre de voitures individuelles a en effet transformé les modes d’urbanisation : jusqu’alors, les populations se groupaient autour des villes et des faubourgs, ou à proximité des réseaux de transports collectifs ; avec l’automobile, la croissance urbaine s’est progressivement diffusée de façon plus large et moins dense. La possibilité de travailler (ou d’accéder à des services) loin de son lieu de résidence a changé la donne et amorcé les phénomènes d’étalement urbain ("développement extensif et peu dense de l’urbanisation autour des centres urbains, en grande majorité sous la forme d’habitat individuel") et de mitage des espaces périurbains et ruraux ("développement progressif, dispersé et anarchique des constructions dans les paysages naturels ou agricoles").

Jusqu’en 1999, les pressions urbaines restent concentrées principalement aux alentours de Bordeaux et son agglomération, ainsi que sur le pourtour du Bassin d’Arcachon, mais depuis, on observe une baisse de l’importance de la Communauté Urbaine de Bordeaux dans la part des constructions neuves. Le développement résidentiel se diffuse aujourd’hui bien plus largement, d’autant plus que le réseau des infrastructures rend très accessible la majeure partie du département. De nouveaux secteurs sont ainsi soumis à des pressions urbaines fortes : le Cubzadais, la rive gauche de la Garonne en amont de Bordeaux et celle de l’estuaire en aval, ou encore le bassin versant de la Grande Leyre.

La population de plus de 1,4 millions d’habitants augmente régulièrement (environ 15 000 personnes par an entre 1999 et 2008), et la densité (142 h/km²) est supérieure de près de 40 % à la moyenne nationale. En 2008, la surface urbanisée sur le département représentait au total 42 000 ha, soit environ 4 % du territoire (deux fois plus que vingt ans plus tôt), dont 30 000 à l’intérieur du périmètre du SCoT  bordelais.

3- Un littoral à l’attractivité récente
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Le Bassin d’Arcachon constitue le deuxième pôle de population du département, avec plus de 100 000 habitants, concentration d’autant plus surprenante qu’elle est entourée par les forêts peu habitées des Landes girondines. On a vu que le développement urbain du Bassin est le résultat d’un processus récent, initié au XIXème siècle. Depuis, l’engouement pour ce territoire s’est amplement confirmé et a entraîné une urbanisation très importante sur tout son pourtour. Aujourd’hui, les coupures d’urbanisation, espaces non bâtis entre les bourgs, deviennent très précieuses pour les milieux et paysages du Bassin et constituent des "respirations" importantes à l’échelle de l’agglomération du Bassin d’Arcachon.

La structure urbaine des villes du littoral atlantique est très particulière et liée à la morphologie des dunes et lacs, qui a évolué à travers les âges. En retrait de l’étang, à l’est, se trouve le village ancien : au XVIIIème siècle, le niveau d’eau était plus élevé, et ces implantations correspondaient alors au rivage du lac. C’est le creusement du Canal des Etangs qui, en drainant ceux-ci vers l’océan par le Bassin d’Arcachon, a fait descendre le niveau de l’eau de deux mètres. La côte actuelle de ces vastes plans d’eau, à son tour, a accueilli des hameaux, stations lacustres détachées du cœur de village. Enfin, à la limite ouest des dunes boisées, le troisième pôle, littoral cette fois-ci, s’est installé sous les pins, s’avançant parfois jusqu’à un front de mer au-delà des dunes. Cette configuration assure une bonne intégration dans ces paysages très spécifiques, mais une attention particulière doit être portée à la préservation des coupures urbaines entre ces différentes stations, garantes de la lisibilité des paysages autant que des villes.

4- Les larges mailles viaires de la forêt des Landes
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Le réseau des routes qui traversent la forêt des Landes girondines, aux tracés rectilignes dessinés pour faciliter l’exploitation du bois et favoriser la rapidité des déplacements, a clairement déterminé l’emplacement des villages : autour de chaque croisement s’est développé un noyau bâti. Les structures de ces villages s’articulent donc en grande partie au long de ces axes routiers, se prolongeant souvent sur chaque branche du carrefour. Cette configuration implique en général un espace public au caractère très routier, sans réelle place pour le piéton et la vie sociale. Sur les axes majeurs, cette situation peut devenir symptomatique de l’urbanisation linéaire : la D1250 qui relie Bordeaux à Arcachon est longée de zones d’activités et de bâti disparate sur des portions conséquentes de son parcours, présentant un risque, si ce phénomène se poursuit, de continuum urbain au cœur de ces paysages forestiers.

Plus isolés autour des villages, les airials constituent un patrimoine important hérité de l’ancienne exploitation agropastorale des landes. Implantés le plus souvent à proximité des cours d’eau, afin de bénéficier de sols mieux drainés, ils se composent de quelques maisons accompagnées de diverses dépendances (grange, porcherie, four, puits...) réparties dans un large espace enherbé. Les feuillus (chênes notamment) accompagnant les bâtiments en faisaient, jusqu’à la plantation de la pinède au XIXème siècle, des oasis boisées au cœur des landes désertiques : aujourd’hui, les airials dessinent à l’inverse des clairières lumineuses cerclées de pins. Parfois groupés, ils forment alors des quartiers, petits hameaux dispersés dans la forêt. Cette typologie bâtie très particulière est un héritage discret, mais précieux, à préserver dans le cadre de l’urbanisation contemporaine.

D’autres facteurs influent sur la répartition des villages. Ainsi, dans la partie sud des Landes girondines, les vallées de l’Eyre et du Ciron sont accompagnées de localités plus importantes, et plus groupées, que dans le reste de la forêt. Ces chapelets de villages sont entourés d’un réseau de desserte locale légèrement plus dense que dans la presqu’île médocaine, au nord. Mais ce sont les routes de grande ampleur qui font réellement la différence : la A63 et la A65 desservent directement cette partie sud des Landes girondines, tandis qu’au nord, la presqu’île reste isolée, sans axe routier majeur.

La densité de répartition des villages augmente nettement à l’approche de la bordure est des bois de pins, vers les terrasses viticoles des Graves et du Médoc. On est déjà , alors, dans le territoire de Garonne et de l’estuaire ; sur les terrasses graveleuses, la vigne remplace la forêt, et les villages s’implantent à proximité du raisin autant que des voies commerciales fluviales et maritimes. Au long de la lisière forestière, les villages marquent le passage d’un domaine à un autre.

5- L’occupation diffuse ancienne du nord-est
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Dans la partie est du département, on peut définir deux types d’occupation bâtie : le maillage villageois des plateaux collinéens, et les pieds de coteaux urbanisés des vallées. L’Entre-Deux-Mers et les pays du nord (du Blayais au Libournais) sont parcourus d’un réseau dense et fin de petites voies : suivant les crêtes des collines ou franchissant les vallées, elles permettent l’exploitation agricole de ces terres, mais aussi la distribution du bâti sur tout le territoire. Les villas et domaines de l’aristocratie gallo-romaine avaient déjà jeté les premiers jalons de cette occupation, comme en témoignent encore les nombreux toponymes en -ac et -an, suffixes synonymes de possession souvent associés à des noms propres. Les défrichements du Moyen-Âge, puis la création des bastides ont complété cette trame. Pour la plupart - et à l’exception notable des bastides - ces villages ne disposaient pas d’un vrai cœur dense : l’église était entourée de quelques fermes, souvent groupées vers les hauteurs, mais sans former de bourg bien dessiné. Aujourd’hui, l’urbanisation s’éparpille sur tout le territoire, mais avec une ampleur bien supérieure. Autour de ces implantations originelles, les villages voient leurs extensions descendre de plus en plus vers les vallées, dispersant un bâti souvent banal sur les coteaux.

Les bastides, au nombre de huit sur le territoire départemental, ont été fondées à partir du XIIIème siècle. Certaines se sont depuis développées bien au-delà du plan originel : Libourne compte ainsi plus de 23 000 habitants, et ses faubourgs ont depuis longtemps effacé l’enceinte ancienne ; d’autres sont restées de petites communes rurales, guère plus étendues que lors de leur fondation. Mais le plus souvent, elles ont conservé la structure si particulière de ces villes nouvelles médiévales : parcellaire orthogonal, rues étroites, grande place centrale avec arcades... C’est donc un patrimoine de grande qualité à préserver et valoriser, mais souvent encore malmené par des extensions peu réfléchies.

Les vallées, quant à elles, ont longtemps joué un rôle majeur dans les déplacements : à une époque où les chemins terrestres n’étaient ni sûrs, ni rapides, la navigation fluviale allait bon train. L’essentiel du commerce du vin transitait par les voies d’eau et une activité intense régnait au long des berges. Les vallées restent des lieux privilégiés pour l’implantation de l’habitat, et de nombreux villages se succèdent au long des routes en pied de coteau ; prudemment implantés en retrait des fleuves, souvent sur de légères terrasses, leurs extensions ont pourtant tendance aujourd’hui à coloniser les zones inondables. Les hameaux des berges, implantés originellement pour ces activités liées aux fleuves et souvent protégés par des digues, voient aussi se multiplier les constructions. Ces vallées concentrent donc une part importante de l’urbanisation : premiers axes de peuplement à la préhistoire, elles conservent aujourd’hui un rôle majeur en termes de démographie.