G. L'agglomération bordelaise

Au-delà de la ville de Bordeaux, l’agglomération compose un ensemble de plusieurs paysages urbains répartis sur les deux rives de la Garonne ; de multiples quartiers et communes aux identités marquées forment cette aire urbaine. Sur le pourtour, la rencontre entre la ville et les paysages alentour forme des interfaces différentes : la Garonne, les marais, la forêt de pins, la vigne, le coteau de Lormont ne créent pas une ceinture uniforme autour de Bordeaux. Si certaines extensions urbaines récentes tiennent compte de ces différences de contexte, d’autres présentent un urbanisme banal et inadapté aux spécificités locales.

L’agglomération de Bordeaux présente de multiples visages, qui mériteraient incontestablement d’être décrits en unités distinctes jusqu’à l’échelle des quartiers. Cette analyse ne saurait être menée à l’échelle de l’atlas des paysages départementaux. Si nous nous penchons ici sur les diverses facettes de la métropole, ce sera pour nous intéresser aux particularités issues de ses rencontres avec les grandes unités qui l’entourent. Quant à l’aire urbaine en elle-même, d’autres études offrent un regard plus complet sur ses multiples aspects.

G. L’agglomération bordelaise

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Situation
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L’origine de Burdigala pourrait se trouver dans deux racines aquitaniennes *burd- et *gala signifiant respectivement « boueux » et « crique ». Ainsi, selon Michel Morvan, la signification primitive de Burdigala devrait être « crique ou abri dans les marais »

23 siècles après sa fondation sur la rive gauche de la Garonne, Bordeaux est aujourd’hui une agglomération de plus de 800 000 habitants, en marche pour devenir une agglomération « millionnaire » à l’horizon 2030. Elle s’étend actuellement en continu sur vingt kilomètres d’est en ouest (de Saint-Médard-en-Jalles à Floirac) pour vingt-cinq kilomètres du nord au sud (d’Ambarès à Villenave d’Ornon). Au fur et à mesure de son extension, mais aussi des époques architecturales et des transformations des espaces agricoles, forestiers ou naturels alentour, l’urbanisation est allée à la rencontre de territoires diversifiés, voire contrastés, au-delà de la Garonne, raison d’être de la ville : les marais au long du fleuve, la forêt à l’ouest, la vigne du Médoc et des Graves au nord et au sud, le coteau de la rive droite et la campagne de l’Entre-deux-Mers à l’est. Ainsi les visages de l’agglomération changent selon les époques et les secteurs, composant un foisonnement complexe de paysages urbains. Cette diversité nécessiterait d’être investiguée à l’échelle du quartier : il est évidemment abusif de rassembler une telle diversité, voire hétérogénéité, dans une seule « unité » de paysage. Le présent Atlas, d’échelle départementale, ne fera donc qu’esquisser le portrait des paysages de l’agglomération, qui reste à faire.

L’origine de Burdigala pourrait se trouver dans deux racines aquitaniennes *burd- et *gala signifiant respectivement « boueux » et « crique ». Ainsi, selon Michel Morvan, la signification primitive de Burdigala devrait être « crique ou abri dans les marais ».

© Département Gironde / Agence Folléa-Gautier
Bloc diagramme de l’unité G © Agence Folléa-Gatier

Les communes concernées par l'unité de paysage G

  • AMBARES-ET-LAGRAVE
  • ARTIGUES-PRES-BORDEAUX
  • BASSENS
  • BEGLES
  • BLANQUEFORT
  • BORDEAUX
  • BOULIAC
  • BRUGES
  • CADAUJAC
  • CANEJAN
  • CARBON-BLANC
  • CENON
  • CESTAS
  • EYSINES
  • FLOIRAC
  • GRADIGNAN
  • LE BOUSCAT
  • LE HAILLAN
  • LE PIAN-MEDOC
  • LE TAILLAN-MEDOC
  • LEOGNAN
  • LORMONT
  • MARTILLAC
  • MERIGNAC
  • PAREMPUYRE
  • PESSAC
  • SAINT-AUBIN-DE-MEDOC
  • SAINT-LOUBES
  • SAINT-LOUIS-DE-MONTFERRAND
  • SAINT-MEDARD-EN-JALLES
  • SAINTE-EULALIE
  • TALENCE
  • VILLENAVE-D’ORNON
  • YVRAC
Caractéristiques
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Une relation majestueuse à la Garonne

La personnalité du paysage de Bordeaux n’est pas qu’inscrite dans la pierre. Sous nos pieds, elle est aussi faite des petits carreaux de terre cuite qui couvrent les trottoirs. Mais plus largement, elle tient aux éléments naturels avec lesquels elle dialogue de façon particulièrement généreuse : l’eau large et puissante de la Garonne, le long horizon du coteau de Lormont qui se déroule en rive droite, et qui a tant marqué Stendhal, et jusqu’au ciel océanique, qui pénètre par grandes coulées en ville grâce à des volumes construits plus bas que ceux des autres grandes villes Françaises : tels sont quelques-uns des éléments d’une ville-centre qui respire au contact de la grande nature.

Parmi ceux-ci, la Garonne, raison d’être de Bordeaux, joue un rôle premier. Progressivement marginalisée au XXe siècle par le déplacement des activités maritimes et la concurrence grandissante du transport terrestre par la route, il a fallu attendre les années 2000 pour qu’un vaste projet de paysage, sous la houlette du paysagiste Michel Corajoud, se concrétise et redonne la Garonne et son port de la Lune aux habitants. La somptueuse façade du XVIIIe siècle, déroulée en arc de cercle et commandée par la place de la Bourse, s’ouvre à nouveau sur des quais aimables. Mais cette dernière et heureuse reconquête urbaine fait suite à plus de deux millénaires d’activité fluviale commerciale. Ils méritent d’être brièvement évoqués pour saisir non pas seulement l’importance géographique d’un bras de fleuve de 500m de large, mais également son importance historique et culturelle.

Au IIIe siècle avant J.-C., les habitants de la future Burdigala apprennent à tirer parti des lieux qu’ils ont investis au VIe siècle : la terrasse de grave du Mont Judaïque et du Puy Paulin. Cette longue avancée de terre ferme, en contact avec le fleuve à l’une de ses extrémités, domine alors au sud un bassin intérieur marécageux formé par la rivière de la Devèze et ses confluents ; au nord s’étendent les marais de Bruges et les palus des Chartrons. La ville qui se crée est ainsi située dans le creux abrité d’un méandre de la Garonne, fleuve lui-même parcouru de puissantes marées qui facilitent la navigation pour remonter ou descendre son cours. Elle s’ouvre ainsi naturellement l’accès à l’estuaire de la Gironde et à l’océan : une position commerciale stratégique qui fera, au cours de son histoire, sa richesse. Celle-ci se développe sous l’Antiquité grâce au commerce de l’étain, métal précieux, indispensable pour fabriquer le bronze en mélange avec le cuivre : il est extrait des mines de Cornouailles de l’actuel Pays de Galles et, de Bordeaux, est distribué dans tout le monde Antique.

Sous l’époque Romaine, Burdigala devient un ’emporium’, l’un des comptoirs commerciaux du vaste empire. « Les navires grecs, bretons, ibères ou celtes se côtoient dans le port de la ville. On y échange toujours l’étain, mais aussi des outils, de la céramique grecque ou du cuivre d’Espagne, du blé et des produits méditerranéens. Le vin commence rapidement à être produit sur place après l’adaptation d’un cépage importé d’Albanie, la ’biturica’ (source site internet de la ville de Bordeaux).

Pour faire face au trafic grandissant, un port intérieur est construit : le bassin Navigère. Il servira jusqu’au XIIe siècle, époque à laquelle les activités portuaires se reportent en bord de Garonne, sous les remparts de la ville. Le port intérieur est progressivement abandonné. La ville et l’Aquitaine, devenues anglaises au milieu du XIIe siècle par le mariage d’Aliénor d’Aquitaine à Henri Plantagenêt, futur roi d’Angleterre, rentrent dans une longue période de conflits intermittents entre les deux nations. Elles ne rentreront dans le giron français qu’après la victoire du Roi de France Charles VII à Castillon en 1453. Cette domination anglaise favorisera le commerce maritime avec l’Angleterre.

À partir du XVIe siècle, la découverte du nouveau monde et les colonies qui s’y établissent impulsent une nouvelle dynamique au commerce maritime. Le port Bordelais monte en puissance jusqu’à atteindre son âge d’or au XVIIIe siècle. La ville est devenue une grande place commerciale. « Elle exporte ses vins et ses productions locales vers l’Europe du nord, dont elle importe les marchandises pour les réexpédier vers les colonies. À partir du 16 janvier 1716, une lettre patente du Roi autorise Bordeaux, Rouen, La Rochelle, Nantes et Saint-Malo à pratiquer la traite des esclaves. Le XVIIIe siècle voit 411 expéditions négrières partir de Bordeaux, troisième port français de la traite. Parallèlement, le commerce colonial connaît un essor spectaculaire. Le port approvisionne une grande partie de l’Europe en café, cacao, sucre, coton et indigo. Les négociants multiplient les expéditions vers les Amériques, le Canada, l’Afrique mais aussi l’Inde et la Chine. En 1789, Bordeaux se place au premier rang des ports français et au deuxième rang des ports du monde après Londres. »

Vieillissant à l’aube du XIXe siècle, concurrencé par les ports de Marseille et du Havre mieux équipés, le port de Bordeaux ne voit la modernisation de ses infrastructures qu’au cours de la seconde moitié du XIXe siècle. Des quais verticaux sont construits autour de 1850. Ils sont suivis de bassins à flots, de docks et de l’emploi de grues à vapeur. Le port redevient alors florissant grâce au négoce du rhum et de la canne à sucre, aux nouveaux marchés offerts par les pays neufs d’Amérique latine, au vin toujours, à la morue, puis, un peu plus tard, à l’arachide du Sénégal et à l’exportation du bois des Landes.

Sur la Garonne, deux nouveaux ponts sont lancés : le pont Saint Jean en 1965, le pont d’Aquitaine en 1967.

Après les difficultés de l’après-guerre, le trafic portuaire se déplace vers l’aval à la recherche d’eaux plus profondes pour le transport des hydrocarbures. L’avant-port du Verdon est aménagé en 1964, avant les crises pétrolières des années 1970 porteuses de difficultés économiques. Désertés par les activités économiques, il faut attendre l’aube du XXIe siècle pour que les quais rive gauche soient redonnés aux habitants, par un réaménagement urbain et paysager de grande ampleur. Dans le cadre du développement de Bordeaux, la rive droite devrait accueillir progressivement, sur plusieurs dizaines d’hectares, le « Parc aux angéliques ».

Parc aménagé et espaces naturels se mêlent : ainsi, la rive droite de la Garonne a gardé en partie sa végétation rivulaire typique, constituée d’une ripisylve dense et de roselières soumises aux marées, dans lesquelles pousse l’Angélique à fruits variables (Angélica heterocarpa), espèce endémique des estuaires de la façade atlantique.

Une agglomération en relation avec ses paysages

En grandissant, Bordeaux-ville est progressivement devenue Bordeaux-agglomération. Elle est connue pour être une métropole horizontale, largement étalée sous forme de logements individuels peu denses et de zones commerciales qui s’étendent en continu jusqu’à 20 kilomètres du centre-ville, à la faveur notamment des infrastructures routières. Ce faisant, l’urbanisation a englobé un certain nombre d’espaces restés non bâtis, plus ou moins aménagés, que l’on peut appeler « espaces naturels urbains » : naturels par l’occupation de leurs sols (forêt, vigne, pâture, …) et urbains par leur position dans l’agglomération ; par ailleurs l’urbanisation est entrée en contact avec plusieurs grands types de paysages. Cette rencontre devrait générer des formes urbaines et des façons d’habiter ou de travailler spécifiques, comme la Garonne a, au XVIIIe siècle, influé de façon remarquable l’urbanisme et l’architecture des quais. Dans la réalité, cette conception paysagère de l’urbanisme ne s’observe que ponctuellement.

Les espaces naturels urbains

Les espaces naturels urbains sont des espaces préservés pris dans l’agglomération. Ils ne sont pas forcément transformés en « espaces verts » : ce peut être des vignes, des forêts, des pâtures, des vallons, des marais,… Ils correspondent souvent à des domaines anciens liés à la vigne, qui ont miraculeusement survécu à la pression d’urbanisation, au point de s’y retrouver enclavés. Ces espaces méritent une meilleure appropriation par les urbains, visuelle (vues, ouvertures, …) ou physique lorsque c’est possible (cheminements doux pour la promenade, le vélo, le sport, …), ce qui suppose en particulier un aménagement spécifique des franges. Parmi les espaces concernés, on peut citer : la Grande Ferrade (INRA, club hippique), château Barret, les domaines de Raba et Thouars, le domaine Haut-Brion, le domaine de Pape Clément, le domaine de Picque Caillou, la campagne d’Eysines, le golf et l’hippodrome, les domaines de Tillac, Formont, Muscadet et Beauval. Les coteaux de Lormont et de Blanquefort font partie de ces espaces naturels urbains mais sont évoqués spécifiquement plus loin. Aux franges de l’urbanisation continue, là où les dynamiques d’urbanisation sont fortes, on peut compter six rencontres paysagères :

La ville et les marais

L’urbanisation Bordelaise vient au contact de marais au nord et au sud de l’agglomération. Ces marais se sont formés au fil des siècles à l’arrière du bourrelet alluvionnaire de la Garonne constitué par le jeu des marées et l’effet des crues. À partir de la fin du XVIe siècle, ils ont été profondément remaniés par des travaux de drainage et des endiguements. L’urbanisation et la pression humaine alentour ont accéléré au cours de la seconde partie du XXe siècle le phénomène de régression de ces précieuses zones humides. Aujourd’hui les marais encore restants offrent des degrés de naturalité variables selon qu’ils sont en eau, boisés, pâturés ou cultivés. En termes de paysage et de biodiversité, les 264 hectares de la réserve naturelle de Bruges recèlent la plus grande richesse, avec plans d’eau, prairies humides, anciens bras morts,...

La valeur de ces marais est bien dans leur position urbaine ou périurbaine, au contact direct des activités industrielles de Bassens ou de Bègles, mais aussi à proximité immédiate de quartiers habités à Bruges, Blanquefort, Bègles ou Villenave d’Ornon. Cette situation intéresse la ville en termes de risques (zone d’épandage des crues contre le risque d’inondation), de biodiversité et de paysage. Au nord, depuis quelques années, un ambitieux projet de Parc des Jalles, porté par la CUB, vise à aménager et gérer de façon cohérente 4500 hectares de marais, couvrant la jalle des Eysines et les marais de Blanquefort et de Parempuyre.

Façonnée par l’homme, la vallée des Jalles offre ainsi un ensemble de milieux aquatiques et humides remarquables. Le maraîchage, mais aussi les prairies de fauche et de pâture, font partie des derniers secteurs agricoles préservés, notamment grâce aux politiques publiques du Département (Préservation des espaces naturels et agricole périurbains) et de l’Etat (site Natura 2000).

La ville et les coteaux

La large Garonne offre une ample ouverture vers la rive droite. Au-delà des terres basses progressivement aménagées pour l’agriculture puis l’urbanisation du quartier de la Bastide, la vue s’arrête sur le remarquable coteau de Lormont. De loin, il se présente aujourd’hui comme une longue vague verte, couvert d’une végétation qui coiffe les soixante mètres de dénivelés marquant le rebord de l’Entre-deux-Mers. Il meurt en douceur à Bassens dans l’amorce de la presqu’île du Bec d’Ambès. Depuis ses hauteurs, de larges vues urbaines s’ouvrent sur la ville et son fleuve. Le site apparaît particulièrement précieux dans le contexte très aplani du relief de Bordeaux, offrant un balcon investi comme lieu de villégiature et aujourd’hui identifié dans la trame paysagère de l’agglomération comme Parc des Coteaux.

De façon plus limitée, le coteau de Blanquefort qui domine la jalle d’Eysines constitue également un point haut remarquable pour l’agglomération Bordelaise.

La ville et la campagne de l’Entre-deux-Mers

À l’est, au-delà du coteau de Lormont, l’urbanisation a gagné la campagne de l’Entre-deux-Mers. Celle-ci ne devient réellement perceptible qu’à l’est de l’axe A10/rocade. On se reportera donc à l’unité de paysage F7, la campagne résidentielle de l’Entre-deux-Mers, qui concerne ce secteur.

La ville et la forêt de pins

Phénomène unique en France, l’agglomération Bordelaise s’étend à l’ouest sur des espaces majoritairement boisés : l’immense massif forestier des Landes et de la Gironde. Ces espaces ne sont pas sacralisés comme ils peuvent l’être ailleurs : ce sont des espaces de production ligneuse comme il existe des espaces de production agricole ou sylvicole. Néanmoins, en situation périurbaine, leur rôle économique de production ligneuse se double d’autres vertus liées en particulier aux paysages urbains susceptibles de se constituer à leur contact, à la biodiversité que ces milieux peuvent recéler et aux usages de proximité que ces forêts peuvent offrir aux habitants : lieux de détente et de respiration, de loisirs, de sport, de promenade.

Lorsque la forêt n’est pas purement rasée pour être remplacée par des lotissements ou des zones d’activités, divers modes de relations s’observent entre ces bois (essentiellement des pins maritimes) et l’urbanisation :

  • les quartiers de ville sous la forêt :
    les maisons se glissent sous le couvert des arbres. On peut trouver quelques-uns de ces quartiers vers Saint-Médard-en-Jalle, Saint-Aubin-de-Médoc, Pessac. Séduisante en termes d’ambiance, cette relation pose néanmoins deux problèmes : le risque de chablis lié aux tempêtes, et la grande consommation d’espace qu’impose ce type d’urbanisme, chaque maison nécessitant une parcelle de plus de 1000m2 ;
  • les quartiers de ville en forêt : l’habitat s’organise en clairières, créant des trouées dans le tissu boisé. Il s’agit plutôt des communes à proche distance de l’agglomération : Cestas, Saint-Jean-d’Illac, Martignas-sur-Jalle. Cette disposition peut être créatrice de beaux paysages habités, notamment lorsque les références à l’airial se concrétisent : enherbement des sols, dégagement des lisières, plantations de chênes,... Mais elle présente le risque de surconsommation de la forêt par l’urbanisation, notamment si des mesures strictes de protection des écrins boisés ne sont pas prises ;
  • les quartiers de forêt en ville : la ville réserve une place à la forêt qui devient urbaine, accompagnant voire constituant des espaces publics spécifiques : bandes boisées le long des voies, poches boisées servant d’espace public, etc. On trouve ponctuellement ces pans de forêt en ville sur Gradignan, Passac, Mérignac, Saint-Médard-en-Jalle, Eysines, le Haillan, le Taillan Médoc, Blanquefort. Il s’agit d’une des formes de cohabitation durable de la ville et de la forêt, susceptible d’imprimer une personnalité aux quartiers sans surconsommation d’espace.

Quelques boisements subsistent à l’intérieur du tissu urbain, tels le bois du Burck à Mérignac, le bois du Bourgailh à Pessac, le bois de la Burthe à Floirac. Ils sont issus d’anciennes propriétés et rassemblent des milieux forestiers différents et tout à fait caractéristiques des ensembles naturels présents autour de Bordeaux : pinède des bordures ouest et nord-ouest du massif des Landes Girondines, chênaie-charmaie de l’Entre deux Mers… Ces boisements sont soumis à de très fortes fréquentations, en raison des nombreuses pratiques récréatives dont ils font l’objet. En l’absence d’intervention et de gestion adaptées, ces milieux forestiers sont condamnés à s’appauvrir et à disparaître. La mise en œuvre de plans de gestion durable permettrait de garantir la diversité et la pérennité des peuplements tout en maintenant leurs fonctions récréatives et sociales.

Avec les cours d’eau et leur ripisylve, les marais de bords de Garonne, ils constituent la charpente de nature de l’agglomération bordelaise et font partie intégrante des trames vertes et bleues.

La ville et la vigne

Outre les « poches » de vigne urbaine enchâssées dans la ville et déjà évoquées ci-dessus à propos des « espaces naturels urbains », créatrices de paysages originaux propres à Bordeaux, l’urbanisation rencontre la vigne des Graves au sud, vers Villenave d’Ornon/Léognan et du Médoc au nord, à partir de Ludon-Médoc. On se reportera aux unités de paysages correspondantes : C4 (’le Médoc de Margaux’) et A5 (’les clairières des Graves’).

La ville et les fils d’eau

Sur sa rive gauche, la Garonne est alimentée par de discrets fils d’eau qui drainent le plateau sableux des landes Girondines et modèlent en creux les terrasses de graves qu’elles traversent : de 50 mètres d’altitude à leur source, ces rivières ou ruisseaux s’achèvent à 5 m d’altitude dans le fleuve. Neuf cours d’eau s’enfoncent dans l’agglomération Bordelaise ouest, certains disparus en tout ou partie par comblement et busage : le ruisseau de l’Eau Blanche, le Peugue, les Ontines, l’Eau Bourde, la Devèze, la jalle d’Eysines… Quelques-uns semblent même en avoir perdu leur nom !

Parmi ceux-ci, le ruisseau de l’Eau Bourde constitue un exemple intéressant de mise en valeur par les communes riveraines : continuité de circulations douces liées au fil de l’eau ; mise en valeur d’espaces ouverts en accompagnement de l’eau : parc forestier du ruisseau de l’Eau Bourde (Canéjan), entrées de villes vertes et préservées de Cestas (entre Cestas et A 63), et Canéjan (entre RN 10 et Canéjan), Prieuré du Cayac, Théâtre des Quatre Saisons, plaine de sports et Parc Municipal de Mandavit à Bègles, Parc Torres Vedras vers Canteloup… Cet exemple montre l’importance d’anticiper en préservant de généreux espaces en bord de rivière dans les secteurs plus périphériques de l’agglomération, sur le plateau des landes Girondines comme dans l’Entre-deux-Mers : outre leurs fonctions écologiques de corridors biologiques (trame bleue), ils ont vocation à cristalliser des espaces de respiration aux usages précieux pour la qualité du cadre de vie en milieu habité. Le Schéma directeur de 2001 avait d’ailleurs pris des dispositions en ce sens.

Une métropole tentaculaire, le défi de la polycentralité à l’échelle départementale

La croissance de l’agglomération Bordelaise se traduit par un puissant étalement de l’urbanisation. Dans toutes les directions, l’urbanisation est d’abord excessivement linéaire, greffée sur les grandes voies de communication : A10 vers Saint-André-de-Cubzac, A89 vers Libourne, RD 936 vers Créon, A62 et RD 1113 vers Langon, RD 1250 et RD 106 vers le Bassin, RD 1215 vers Lacanau. Le phénomène se traduit par des entrées de villes à la française, c’est-à-dire médiocres et banales, du fait de l’urbanisation commerciale qui s’y greffe et recherche un effet de vitrine envahissant. Au-delà, la flambée des prix de l’immobilier dans Bordeaux contribue à alimenter une urbanisation résidentielle diffuse dans des secteurs de plus en plus éloignés du cœur de la métropole. Cette urbanisation consomme les espaces de respiration et « coupures vertes » qui séparent la métropole Bordelaise des polarités secondaires du département : le bassin d’Arcachon, Libourne, Langon, Saint-André-de-Cubzac. Outre l’image écornée des villes offertes par cette urbanisation linéaire et diffuse, le risque est de diluer l’essentiel du département dans une périurbanisation qui met en péril l’identité et l’existence même des polarités les unes par rapport aux autres. Les enjeux liés à ces dynamiques sont développés dans la partie « Les processus de transformation des paysages et les enjeux ».

Enjeux
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Enjeux de protection/préservation

La trame paysagère de l’agglomération (espaces naturels urbains, marais, vignes, forêts, coteaux, …) : protection, politique foncière, mise en réseau, valorisation au bénéfice des habitants, gestion en faveur de la biodiversité et/ou de l’agriculture de proximité.

Enjeux de valorisation/création

Les bords de Garonne : poursuite des valorisations paysagère et écologique au bénéfice des habitants.

Les quartiers d’habitat social : poursuite des travaux de renouvellement urbain.

Les quartiers résidentiels : intensification urbaine.

Quelques réseaux anciens peuvent présenter des opportunités à saisir.

Les réseaux de transports en commun et circulations douces : poursuite du maillage.

Enjeux de réhabilitation/requalification

Les friches urbaines et d’activités : reconquête urbaine du cœur de la métropole (secteurs gare Saint-Jean/Belcier/Deschamps, secteur bassins à flots/Brazza, secteur rive droite, …).

Les entrées de villes et d’agglomération : requalification en boulevards urbains.

Histoire de Bordeaux

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Un paysage urbain magnifié par la pierre

C’est peut-être la pierre qui marque en premier lieu le paysage urbain historique de Bordeaux. Ce magnifique calcaire stampien, pris dans les multiples carrières au long de la rive droite de Garonne, voire de Dordogne, transporté sur des gabarres, mis en œuvre pour construire la ville, compose un visage à la fois unitaire, chaleureux et doucement coloré à Bordeaux-centre. Facile à tailler, il a fait l’objet d’un travail minutieux, dont les 3 000 mascarons disposés sur les façades et les fontaines de la ville composent les éléments emblématiques. Fragile, il est facilement noirci par la pollution, au point que la ville a longtemps caché sa splendeur architecturale sous un sombre et triste visage avant sa remise en valeur des dernières années.

L’héritage urbain du XVIIIe siècle

Des héritages gallo-romains (le Palais-Gallien) à ceux du milieu du XXe siècle, la pierre tient dans une même unité les quartiers de Bordeaux. L’héritage le plus remarquable est celui du XVIIIe siècle, lorsque la ville s’épanouit avec la centralisation monarchique (dont les Intendants sont les instruments), l’assainissement des finances et le développement du commerce international en direction des ’Isles’. Le négoce attire une population riche ou modeste, extrêmement variée, mêlant catholiques, protestants et israélites. La population passe de plus de 66 000 habitants au milieu du siècle à près de 110 000 en 1790. Les Intendants qui se succèdent, Claude Boucher (1720-1743), Louis de Tourny (1743-1757) et Nicolas Dupré de Saint-Maur (1776-1785), s’avèrent d’excellents administrateurs. « Ils multiplient les opérations d’urbanisme dans la ville encore prisonnière de ses remparts, pour rompre définitivement avec l’image d’une cité médiévale : c’est la construction de la place Royale (actuelle place de la Bourse), la création des places Dauphine (Gambetta), Saint-Julien (de la Victoire), de Bourgogne (Bir-Hakeim), Saint-Germain (Tourny), la percée ou l’aménagement des cours et allées conçus comme des promenades, l’érection des portes et fontaines, la réalisation du jardin public et de nombreux lotissements, le démantèlement du Château Trompette. La ville se pare de somptueuses constructions comme le Grand Théâtre, le Palais Rohan et d’autres hôtels particuliers, créant de nouveaux quartiers aérés à la richesse inouïe. Bordeaux entre dans la modernité » (source : site internet de la ville de Bordeaux).

L’héritage urbain du XIXe siècle

La ville est également marquée par l’héritage du XIXe siècle : le Théâtre Français, le cimetière de la Chartreuse, le palais de justice, les colonnes rostrales des Quinconces, les boulevards (1853-1857), les lignes de chemin de fer vers Bayonne ou Paris, l’extension des quartiers, l’adduction d’eau et l’éclairage des rues dans les années 1860, l’annexion de la commune de La Bastide en 1865, l’ouverture du cours d’Alsace en 1869, l’installation de marchés, le dégagement de la cathédrale Saint André, la construction de la synagogue, des facultés, de la bibliothèque municipale et de la gare Saint-Jean… sont des témoignages significatifs de l’aménagement du Bordeaux de la seconde moitié du XIXe siècle, ville qui passe de 120 000 habitants en 1841 à 230 000 en 1891.

C’est aussi à partir du Second Empire et jusqu’en 1930 que s’édifient les échoppes bordelaises. Ces modestes et élégantes maisons urbaines, construites en pierre de taille, basses et de plain-pied, contribuent à la personnalité de quartiers entiers de Bordeaux. Le recensement de 1995 en dénombrait environ 11 000.

La rupture urbaine du XXe siècle

L’entre-deux-guerres a laissé des réalisations de grands travaux et d’équipements qui modernisent la ville : réfection des égouts et de l’éclairage public, macadamisation de rues, construction des abattoirs, de la piscine Judaïque, de la Bourse du travail, du stade Lescure et d’un nouvel immeuble pour la récente régie municipale du gaz et de l’électricité. Mais c’est surtout après-guerre que le paysage urbain se transforme radicalement. Sous l’impulsion de Jacques Chaban-Delmas, alors qu’il devient maire en 1946 et ministre des Travaux publics, du Logement et de la Reconstruction en 1954, la ville hérite du courant moderniste par des ruptures de style, de volumes et de formes. Cette rupture est assez bien symbolisée par l’irruption - controversée - du quartier nouveau de Mériadeck dans le vieux Bordeaux à partir de 1969. Mais plus largement, « pour faire face à l’insalubrité d’un grand nombre de logements, la construction de plusieurs cités est lancée dans l’urgence : Carreire, Claveau, Labarde. Elles sont suivies de constructions modernes que l’on souhaite durables. En 1955, la première cité sort de terre à la Benauge, suivie de celle du Grand-Parc en 1957, de la Cité lumineuse en 1960, pendant que débute une autre décennie de grands travaux : le domaine universitaire, le centre hospitalier universitaire (CHU), les tours de la cité administrative. Entre 1962 et 1966,on creuse Le Lac par dragage dans les espaces marécageux de Bordeaux Nord. Le Parc des expositions y est édifié. Il ouvre en 1969 » (site internet de la ville de Bordeaux). A partir des années 1970, pendant que l’urbanisation des maisons individuelles et des zones d’activités rampe à l’horizontale, étendant largement Bordeaux dans une vaste agglomération peu dense, le centre-ville vieillit, noircit sous la pollution automobile grandissante et perd des habitants.

La reconquête urbaine, au tournant des XXe et XXIe siècles

En 1995, Alain Juppé prend la suite de Jacques Chaban-Delmas à la tête de Bordeaux, « la belle endormie ». Il lance un grand programme de rénovation urbaine : le tramway revient (décembre 2003), contribuant non seulement à améliorer le transport urbain des Bordelais, mais aussi à remettre la voiture envahissante à sa juste place, à requalifier les espaces publics (les quais, le Cours de l’Intendance, la Place Pey-Berland, la place de la Victoire, le cours du Chapeau Rouge, etc), à offrir une nouvelle façon d’appréhender le paysage urbain de la ville, et surtout à réduire la fracture sociale, qui est aussi spatiale, en raccordant les quartiers périphériques au centre : les Aubiers, le Grand Parc, Bacalan.

Outre le tramway, les quais moribonds de Garonne, orphelins d’une activité économique partie ailleurs, revivent de façon spectaculaire en étant entièrement réaménagés au bénéfice des habitants. Dès 2007, les premiers efforts sont « récompensés » par l’inscription de 1810 ha du Bordeaux historique sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO. C’est le premier ensemble urbain, sur un périmètre aussi vaste et complexe, distingué par la Commission du Patrimoine mondial de l’Unesco depuis sa création. « Les plans urbains et les ensembles architecturaux à partir du début du XVIIIe siècle font de la ville un exemple exceptionnel des tendances classiques et néoclassiques et lui confèrent une unité et une cohérence urbaine et architecturale remarquables. Son urbanisme représente le succès des philosophes qui voulaient faire des villes un creuset d’humanisme, d’universalité et de culture » (extrait du rapport de l’UNESCO).

Sur cette lancée, la ville se prépare « s’intensifier » autour de deux nouvelles centralités, à cheval sur la Garonne : au nord sur le secteur bassins à flots/Brazza ; au sud sur le secteur gare/Belcier/Deschamps. Il s’agit d’organiser progressivement la reconquête de la rive droite, déjà entamée grâce au tram, à la faveur de deux nouveaux ponts : Bacalan-Bastide et Jean-Jacques Bosc. C’est au sud que les transformations sont amenées à démarrer, au sein du périmètre de l’EPA Euratlantique lié à la gare, avec la perspective d’accueillir les 20 millions de voyageurs attendus lorsque le TGV mettra Bordeaux à 2h de Paris, puis 1h de Toulouse, 1h30 de Bilbao et 3h de Madrid.