Boubacar et son Cour(t)s d’histoires

La troisième vague de Cour(t)s d’histoires, concours de réalisations vidéo entre collégiens et lycéens de Nouvelle-Aquitaine, sur le thème de l’immigration, est lancée. Celle qui a clos la dernière année scolaire reste marquée, entre autres, par le parcours de Boubacar, ayant fui la Guinée à 16 ans à peine, pour s’inventer un destin du côté de la Gironde.

Le récit des aventures de Boubacar Doumbouya tient en trois minutes vingt-trois, le temps du court-métrage vidéo réalisé par les élèves d’une classe de quatrième au collège Jean-Jaurès de Cenon. L’histoire est d’une belle intensité. Comment cet adolescent, sans prévenir sa famille, décide de quitter son pays, la Guinée, et de Conakry au Maroc, en passant par le Mali et l’Algérie, se retrouve bientôt sur une embarcation de fortune, direction l’Espagne puis la France et Bordeaux par le train. Le chemin de Boubacar, au-delà des périls et des peurs, croise celui d’un homme, à Bordeaux, qui dirige le jeune garçon vers le service d’Aide sociale à l’enfance du Département. Reconnu mineur, Boubacar s’intègre, passe son brevet, puis son bac pro et un BTS pour obtenir ensuite un CDI chez Keolis, l’opérateur du transport public métropolitain.

Derrière ce beau récit, il y a donc des collégiens de Cenon qui, parmi les huit candidats, ont concouru sans emporter le prix mais ont attiré l’attention avec leur film-portrait : « Le parcours d’un MNA », celui lumineux et singulier d’un mineur non accompagné, loin des clichés et préjugés.

« Ce projet s’inscrit dans la deuxième édition de "Migrations, citoyenneté et vidéo // Cour(t)s d’histoires", une série de portraits réalisés en vidéo par des collégiens et lycéens de la région. La première année, nous avions eu 19 films produits, tous célébrant à leur façon la mémoire de l’immigration régionale. »

Ainsi commente Emmanuelle Dubois, chargée de mission du Rahmi ou Réseau des acteurs de l’histoire et de la mémoire de l’immigration en Nouvelle-Aquitaine. La structure, née en 2007, avec ses deux salariés, mobilise une vingtaine d’administrateurs fidèles.

Coéquipier d’Emmanuelle Dubois, Johan Hiriart est, lui, chargé du développement auprès des publics.

« Notre rôle est de collecter la mémoire orale de l’immigration, de faire connaître les apports, à titre individuel mais aussi collectifs, des migrants à la société dans laquelle ils se sont intégrés. Nous nous attachons à des témoignages plus anciens, ceux des Italiens, nombreux en Lot-et-Garonne, ou des Espagnols en Gironde mais aussi à des récits contemporains au gré des différentes arrivées comme celles plus récentes des Syriens. »

Collecte de la mémoire vive, mise en place de conférences, liens avec les autres structures engagées autour de l’immigration, le Rahmi joue un « rôle de piston » entre différentes initiatives ose Johan Hiriart. L’association soutenue par l’État, via la Direction régionale des Affaires culturelles (DRAC), dans le cadre des politiques de la ville, de cohésion sociale ou encore de lutte contre les inégalités, s’est installée rue des Douves à Bordeaux. C’est en lien avec l’Association du lien interculturel, familial et social, Alifs, soutenue par le Département, qu’elle a donné naissance à Cour(t)s d’histoires.

Au moment où collèges et lycées s’engagent dans la troisième édition du concours dont le palmarès sera connu au mois de juin prochain, Boubacar Doumbouya vit son existence de jeune adulte qui espère obtenir la nationalité française, s’intéresse de près aux troubles que traverse la Guinée et accepte de témoigner, suivi dans son expérience par le doctorante Léa Keller du laboratoire Passages. Une belle leçon de vie si bien racontée par les collégiens…

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