L'intimité du jeune enfant

La question de l’intimité du jeune enfant n’est pas souvent abordée. Pourtant, elle joue un rôle important dans le développement de l'enfant et il est nécessaire de préserver cette intimité au quotidien dans les pratiques professionnelles (notamment au moment du change). Témoignages.

Pour aborder ce thème, nous vous proposons le point de vue de Florence Planchenault, psychologue de PMI au Département de la Gironde ainsi que le témoignage d’une assistante maternelle sur l’aménagement qu’elle a mis en place afin de respecter l’intimité des enfants qu’elle accueille.

Point de vue de Florence Planchenault, psychologue de PMI

La notion d’intimité est étroitement liée à la construction du schéma corporel de l’enfant et à la construction de sa relation avec les personnes qui prennent soin de lui. Elle se bâtit en même temps qu’elles et suit donc les stades du développement psycho-affectif de l’enfant.

Avant deux ans, l’enfant n’est pas en capacité de différencier clairement ses ressentis corporels et il est très perméable à tout ce qui vient de son environnement. Il n’a donc aucune notion d’intimité. Par exemple, lorsqu’un bébé explore notre bouche, nos narines, nos orifices auriculaires,… il s’introduit dans notre corps à un stade où l’exploration de son propre corps est indistincte de l’exploration du corps de l’autre.

Vers deux ans, il s’affirme au niveau de sa personnalité et de son corps, y compris en s’opposant à l’adulte (c’est l’âge du « non ! »). Se dessinent alors les prémisses de l’intime pour l’enfant. On voit par exemple des enfants s’isoler, se cacher pour faire caca dans leur couche.

Vers trois/quatre ans, l’enfant différencie son corps de celui des autres à tel point qu’il va s’intéresser à ce qui distingue un garçon d’une fille. C’est l’âge où l’enfant s’exhibe assez facilement et où son intérêt pour l’autre sexe le pousse à franchir parfois les portes de l’intimité des adultes et des autres enfants.

On perçoit bien, à travers ces stades du développement du schéma corporel de l’enfant et de ses relations avec son environnement, que l’intimité chez l’enfant est en mutation permanente. La pudeur suit la même progression. Ainsi, le même enfant qui manquait totalement de pudeur à un moment devient soudain extrêmement pudique. Bien sûr la pudeur revêt une dimension culturelle et personnelle. Chacun possède ses propres codes de pudeur qu’il importe de respecter.

Parce que la notion d’intimité chez l’enfant n’est pas innée, parce qu’elle se construit en fonction de sa maturité psycho-affective, le rôle des adultes est essentiel et c’est parce que l’enfant ne sait pas d’emblée qu’il a droit à une intimité, que l’adulte se doit de la protéger.

 Ainsi, on n’expose pas le corps des tout petits bébés même si la notion d’intimité leur est totalement étrangère. Le change est par exemple un moment d’intimité qu’il importe de préserver. Les soins aux tout petits amènent l’adulte à entrer dans l’intime du corps du bébé et c’est pourquoi ils doivent être effectués avec pudeur, douceur et en lui parlant. Des soins non enveloppants, non contenants peuvent constituer des micro effractions pour le bébé.

Lorsque vers deux ans, l’enfant acquiert une certaine autonomie corporelle et psychique, il est essentiel de l’y encourager et de respecter l’intimité qu’il commence à réclamer. Certains soins corporels peuvent alors nécessiter des aménagements dans ce sens.  Respecter l’intimité de l’enfant à cet âge c’est par exemple ne pas lui réclamer qu’il fasse un bisou à l’adulte ou aux autres enfants car c’est à l’enfant seul de décider de quel contact physique il a besoin auprès des autres. C’est également le moment où aller à la selle devient un temps intime et le pot n’a donc rien à faire au milieu du salon, exposé au regard de tous.

Pour les enfants de 3/4 ans, c’est le moment où l’adulte peut les sensibiliser à la question de l’intimité, la sienne et celle des autres. Ainsi, les conduites exhibitionnistes ou la curiosité de l’enfant pour les questions corporelles doivent être comprises comme normales mais doivent pour autant être reprises par l’adulte. C’est le moment où l’adulte sensibilise l’enfant au fait que notre corps nous appartient et que cela s’applique autant à lui qu’aux autres, enfants comme adultes.

Quel que soit l’âge, il importe toujours que les soins prodigués soient contenants, enveloppants et accompagnés de paroles. Ils doivent être également adaptés à la maturité et aux besoins de l’enfant. C’est ce qui garantit qu’il pourra construire son intimité de manière sécure.

Madame G., assistante maternelle à Martignas-sur-Jalle, a accepté de s’exprimer sur l’espace de change des enfants au cœur de la pièce de vie :

J’ai pensé cet espace dans la pièce de vie afin d’avoir tout le nécessaire au change à portée de main, et de pouvoir garder un œil sur les autres enfants.

Le change est un moment d’activité intime entre l’enfant et son assistante maternelle. C’est un temps individuel où je ne m’adresse qu’à lui. Cela permet à l’enfant de faire une pause, un instant de calme sans les autres enfants, et d’avoir un moment privilégié avec son assistante maternelle.

J’ai installé cette table à langer dans cet angle séparé par un paravent, où j’ai tout à disposition (serviettes, sacs, langes…), cela évite des manipulations et des oublis. Chaque enfant à son espace de rangement pour ses affaires.

Selon l’âge de l’enfant l’espace n’est pas agencé de la même manière. Les plus grands peuvent être changé sur le matelas au sol, évitant ainsi une manipulation par l’assistante maternelle, respectant l’autonomie de chacun.