Ce que reflète la photographie de la beauté des vieux...

Christophe Boëry, cheville ouvrière de la vie sociale à l’EHPAD Terre-Nègre est bien connu des 400 résidents de la maison de retraite médicalisée. Situé en plein cœur de Bordeaux, le village Terre-Nègre est le plus grand établissement de Nouvelle-Aquitaine. Sa particularité : il est géré par une association à but non lucratif reconnue d’utilité publique. A sa tête, Emmanuel Chignon, entouré d’une équipe de professionnels du soin médical et paramédical, de la restauration et de l’hôtellerie, de services technique et administratif… et de Christophe, qui fait vivre le projet de vie sociale de l’établissement. Autour de celui-ci, quatre salariés, autant de services civiques, mais aussi des stagiaires au long cours auxquels s’ajoutent une vingtaine de bénévoles qui œuvrent tous à ouvrir des espaces d'échanges, de partage et de création.

Bousculer les pratiques professionnelles

Dès 2018, Christophe a commencé à créer des ponts avec le tissu culturel local, convaincu que les projets culturels en établissement médico-social sont un levier pour améliorer la qualité de vie, développer l’autonomie des personnes âgées et une véritable ressource pour créer du lien entre résidents. Un an après, le projet La beauté c’est les autres ! était soutenu et financé par la Conférence des financeurs de la Gironde. La dynamique de création et de liens, entre les résidents et les professionnels des sept EHPAD, était lancée. Même si l’année 2020 a freiné la synergie, les outils numériques ont aidé pour partager cette respiration. Comme d’autres artistes avant elle, la photographe Claire Soubrier et son équipe ont ainsi vécu une semaine en immersion à Terre-Nègre. Temps de rencontres et de confiance, déjeuners ensemble, ont précédé les séances de maquillage, de prises de vue et les différents entretiens audio. Aujourd’hui, ce sont les portraits de 34 femmes et 10 hommes qui sont exposées dans l’EHPAD : première étape du projet.

Renforcer l’autonomie, le lien social

44 résidents, 44 professionnels et 8 proches ou membres des familles ont participé activement à La Beauté c’est les autres !, et se sont interrogés avec les artistes sur leur représentation de la beauté des choses, de la vie, d’eux-mêmes. Marie-France, 73 ans, atteinte de la maladie de Parkinson, témoigne de la fonction sociale et médicale de l’art dans l’EHPAD :

« Je me trouve belle ! Je n’en reviens pas… J’étais coquette et ce moment m’a rappelé les années où j’étais une femme indépendante. »

Elle encadrait des équipes dans l’événementiel. Et sous le regard bienveillant de Manon, la kinésithérapeute qui l’accompagne dans la maladie et son binôme pour les ateliers, elle confie : « Sur cette photo, j’ai une expression soucieuse, je suis soucieuse du regard des autres... » Manon renchérit : « Si Marie-France n’est pas maquillée le matin, c’est symptomatique de son état psychologique. » La résidente, élégante et drapée de bijoux, est exigeante envers elle-même : « Rien n’est comme avant… Sur cette photo, on sent que j’en veux ! J’ai tenu mon chemin de femme. »

Elle assistera au vernissage de l’exposition avec les autres et se tient prête à recevoir un coup de peigne pour l’occasion ainsi que les massages de Manon, indispensables à sa mobilité. « Que ferais-je sans vous ? » souffle-t-elle.