Assistants maternels : le départ des enfants pour l'entrée à l'école

La séparation chez l’enfant est une question centrale, qui se pose dès son entrée dans les dispositifs d’accueil de la petite enfance, et donc, bien avant son départ à l’école. En tant que professionnel, vous accompagnez l’enfant et sa famille dans ces différentes étapes jusqu’à cette dernière séparation pour l’entrée à l’école qui est également pour vous source d’émotions. Camille CUEFF, Psychologue PMI Enfance, nous dévoile ses conseils. Retrouvez aussi les témoignages d'autres assistant.e.s maternel.le.s.

Camille CUEFF, Psychologue PMI Enfance

La séparation chez l’enfant est une question centrale, qui se pose dès son entrée dans les dispositifs d’accueil de la petite enfance, et donc, bien avant l’école. La séparation dessine les contours de la vie de l’enfant durant cette période, ainsi que la pratique de l’assistant.e maternel.le.

En effet, le début de l’accueil est bien souvent marqué par la première séparation parent-enfant. Le lieu d’accueil devient le deuxième milieu immédiat de l’enfant après sa famille de manière générale. Ainsi, une autre personne donneuse de soins, l’assistant.e maternel.le, par sa place dans ce triptyque « parents-professionnels-enfant », va permettre à l’enfant de traverser ce processus psychologique qu’est la séparation. Un tournant important dans la vie de l’enfant, qui précède celui de l’individuation, si primordial pour son développement. En effet, ce processus représente un véritable défi pour les professionnel.les de la petite enfance, à savoir : permettre aux enfants accueillis de découvrir qui ils sont en tant que petit humain différencié de leurs parents à travers leurs sensations, leurs sentiments, leurs comportements dans leurs liens aux autres, etc. Le but ultime étant qu’ils puissent se créer leurs frontières psychiques entre leur monde intérieur et extérieur. Enfin, l’entrée à l’école, soit la séparation assistant.e maternel.le-enfant, se révèle, au regard de ces enjeux, être l’aboutissement de l’exercice des missions d’un.e assistant.e maternel.le. Maintenant, allons plus loin…

À l’heure où l’intérêt supérieur de l’enfant est de mise, notamment dans les politiques publiques de santé du jeune enfant (À lire le rapport des 1000 premiers jours), l’épanouissement de l’enfant dans son lieu d’accueil est pensé à la fois, à travers, la qualité de la relation entre le ou la professionnel.le et l’enfant, mais aussi entre l’assistant.e maternel.le et la famille.

Guidés par la théorie de l’attachement, nous pouvons affirmer que les assistant.e.s maternel.le.s sont, après les parents, des figures d’attachement à part entière. En d’autres termes, cela signifie pour l’enfant qu’il peut, de manière durable, trouver de la proximité et de la sécurité auprès de l’assistant.e maternel.le, lorsque ce.tte dernière répond de manière adaptée et cohérente à ses comportements de signalisation et d’approche (sourires, pleurs, agrippements, cris, etc.). Pour résumer donc, c’est dans cette situation que l’on parle d’attachement réciproque entre l’accueillant.e et l’enfant. Ainsi, de cette relation privilégiée – soutenante, accessible, protectrice et réactive – se dégagera un sentiment de sécurité pour l’enfant, c’est-à-dire, une sécurité qu’il intériorisera et qui lui sera d’une richesse et d’une aide précieuse tout au long de sa vie. Avant de se sentir vraiment en sécurité avec l’assistant.e maternel.le, il aura alors fallu que l’enfant saisisse d’une part que ses parents font confiance à ce ou cette professionnel.le. Dès lors, commence des « allers-retours » entre les figures d’attachement principales (les parents) et secondaires (l’assistant.e maternel.le, grands-parents, etc.). Le simple fait, pour l’enfant, de savoir qu’il peut compter sur la réactivité et la disponibilité d’une de ses figures d’attachement lui permet d’être rassuré et d’explorer activement son environnement.

Vient alors, pour l’enfant, le temps de penser « aurevoirs » avec l’assistant.e maternel.le et donc à l’arrivée de nouvelles figures d’attachement secondaires dans sa vie comme ses futur.e.s professeur.e.s des écoles, ou encore l’ATSEM de la classe. Ainsi, suivant la qualité de ces premières relations avec ses figures d’attachement dans la prime enfance, il sera plus ou moins facile pour l’enfant de pouvoir, d’un côté, se sentir digne d’être considéré en tant qu’élève dans ce nouveau milieu et, d’un autre côté, se représenter « l’autre » en tant que personne ressource et sensible à ses besoins.

En résumé, en tant qu’assistant.e maternel.le vous endossez ce rôle des « premiers agents » de séparation et de socialisation pour l’enfant. En complément des relations parents-enfants, la qualité de la relation que vous allez tisser avec l’enfant accueilli est en partie gage de ses modalités relationnelles futures, et donc, de son vécu à venir en tant qu’élève.

Ainsi, en pratique, il n’existe pas de « bonne » ou « mauvaise » façon d’accompagner les séparations et leurs vécus qui sont tous différents. Toutefois, la question qui demeure est de savoir ce qui serait « le mieux » pour que les jeunes enfants vivent, à ce moment-là, ce sentiment de continuité d’exister, c'est-à-dire, qu’ils puissent se sentir les mêmes, qu’importent les personnes qui l’entourent et les lieux dans lesquels ils évoluent.

Pour cela, voici quelques conseils non exhaustifs :

  • Dans cette transition, en tant que base de sécurité pour l'enfant, il s’agirait de ne pas « faire » mais « d’être » (sensible, disponible, etc.) tout simplement.
  • Il importe de rappeler que vous n’êtes pas tout.e seul.e autour de l’enfant, les parents restent les premiers acteurs de cette séparation. Vous êtes une vraie équipe et vous formez ensemble une chaine de sécurité autour de l’enfant.
  • Il est important d’accepter que l’enfant se soit attaché à vous : ça lui a été nécessaire pour son développement et son sentiment de sécurité interne ; pour cela, il a fallu que, vous aussi, ayez une forme d’attachement à l’enfant pour mener à bien le processus. Et oui, la séparation peut être aussi compliquée pour vous, professionnel.le, qui avez partagé des moments cruciaux dans la vie de l’enfant. Votre vécu compte !
  • Attention aux précipitations des acquisitions lorsque l’entrée à l’école approche, cela pourrait nuire à la continuité du développement. L’enfant va à son rythme et le développement de l’enfant n’est pas linéaire. Par exemple, il n’est peut-être toujours pas propre, mais au niveau psychomoteur, c'est un vrai ninja !

Témoignage de Mélissa, assistante maternelle à domicile, Savoir se dire au revoir

Quand on évoque une fin de contrat d’un enfant accueilli lorsqu’il rentre à l’école maternelle, la première chose qui vient à l’esprit c’est tout ce côté administratif, on évoque moins le côté émotionnel et affectif, c’est un temps fort en émotions pour moi comme pour les petits et leur famille, un rendez-vous à ne pas manquer !

Chaque enfant est unique, j’ai créé une relation particulière avec chacun d’entre eux, au fil des mois et des années. Des liens forts d’attachement se sont forcément créés.

J’ai veillé à leur sécurité, à respecter leur développement propre à chacun, je les ai changés, je les ai aidés à manger, à s’endormir, je les ai rassurés, je les ai accompagnés pour qu’ils gagnent toujours plus en autonomie, j’ai pris soin d’eux quand ils étaient malades et en toutes circonstances je suis toujours restée rassurante, souriante et bienveillante. Être là toujours pour eux, pour bien grandir !!! c’est ma devise !

Vous comprendrez qu’il est souvent difficile pour moi de rester neutre quand il faut leur dire au revoir, j’ai toujours ce petit pincement au cœur mais malgré tout je reste très confiante car je sais pertinemment que pendant toutes ces années d’accueil je leur ai apporté toutes les armes pour affronter “l’école” et que mes petits guerriers sont prêts !

Le jour “J” les enfants sentent que quelque chose est différent, Nounou est différente. Certains sont surexcités, d’autres tristounets même angoissés à l’idée de rentrer à l’école mais ce qui est sûr c’est que tous les enfants ne sont pas aussi tristes que nounou, car eux n’ont pas conscience qu’aller à l'école c’est ne plus voir nounou ! Cela ne prend sens pour eux qu’à partir de la rentrée scolaire.

Chez nounou Mélissa on organise toujours un goûter festif pour se dire au revoir. Je vis ce dernier jour d’accueil à fond ! Je photocopie mentalement ce petit être qui restera à jamais gravé dans mon cœur, ils y ont tous une place privilégiée. Généralement je prends une photo de moi entourée de ma petite équipe que j’encadre et offre en souvenir à la famille.

Et voilà nous y sommes, nous l’avons atteint ce point de non-retour si redouté, c’est parti pour de belles et nouvelles aventures, une page se tourne définitivement mes petits loups vont découvrir le monde de l’école et moi je vais accueillir un nouveau bébé à découvrir moi aussi et à chérir.

Témoignage de Sonia, assistante maternelle à domicile

Je suis assistante maternelle agréée depuis 12 ans et j’ai accueilli 17 enfants à mon domicile dont 4 fratries.

Chaque rencontre avec les familles est unique et personnelle.

Chaque départ est toujours un mélange d’émotions de joie et de tristesse.

La fin de contrat se prépare des mois à l’avance. J’en discute avec les parents employeurs sur les démarches à effectuer en termes administratifs afin que la procédure de « retrait d’enfant » soit respectée. Je pense qu’il est important de bien sensibiliser et communiquer pour vivre un licenciement sans problème. Nous instaurons un moment le soir après l’accueil avec les parents employeurs mais sans l’enfant. Lors de ce temps, j’en profite aussi pour accompagner les parents sur la démarche émotionnelle de cette séparation à 3. Cette discussion permet de mettre des mots sur une relation de partages, d’émotions et de confiance. Je leur explique aussi qu’il faut parler à l’enfant avec des phrases simples sur cette aventure chez Nounou en insistant sur le côté positif mais surtout en le rassurant. Pour moi-même, c’est très important ce rendez-vous car c’est officiellement la fin de l’accueil. C’est le commencement des rituels de la séparation. J’en parle de temps en temps au cours de la journée avec cet enfant et nous expliquons aux copains de chez Nounou qu’il va partir. Souvent, ils sont plusieurs à finir le contrat et c’est encore mieux car ils se retrouvent à l’école ensemble.

J’organise une sortie extérieure sur l’été pour que le dernier souvenir chez Nounou soit un grand moment inoubliable tous ensemble. L’enfant comprend mais ne réalise pas. Pour ce dernier jour, je termine mon cahier de transmissions par un long résumé de cette relation et j’ai plaisir à relater les moments forts et je souhaite que cette route vers le « Après » soit remplie de bonheur.

Un petit présent de la famille vient clore cette dernière journée chez Nounou. L’enfant part avec le doudou que je lui ai offert lors de l’adaptation et qu’il n’a jamais quitté pour ses siestes, il est toujours resté dans son lit chez Nounou. Souvent, c’est le doudou choisi lors de l’entrée à l’école.

Derniers câlins, derniers sourires et c’est le grand départ !

La dernière page se tourne et le livre de cette rencontre se referme avec le mot « FIN ».

J’ai des nouvelles de temps en temps des enfants accueillis et cela me fait très plaisir de savoir : « Que sont-ils devenus ! »

Témoignage de Sandra, assistante maternelle en MAM

Assistante maternelle depuis 10 ans, j'ai accueilli plus d'une vingtaine d'enfants. 

Les enfants accueillis arrivent le plus souvent bébé mais aussi à différents âges allant de 3 mois à 3 ans. 

À n'importe quel âge qu'il suit, à l'arrivée de l'enfant, un lien fort d'attachement se crée rapidement. Et à ce moment, je me prépare psychologiquement à une future séparation. Je me projette un temps défini en fonction de l'âge de l'enfant à son arrivée. Mais malheureusement, parfois ce temps n'est pas celui que j'avais compté et donc je ne suis pas prête au moment de la séparation. 

Une assistante maternelle peut rencontrer 4 types de séparations : 

  • La plus répandue et la meilleure, c'est l'entrée à l'école. Accompagner l'enfant jusque là est une fierté, la séparation espérée pour l'assistante maternelle, avec le sentiment d'une mission accomplie.
  • Une autre séparation, le déménagement de la famille de l'enfant accueilli. Souvent imprévu, c'est un déchirement pour moi car le temps d'accueil que j'avais compté, ces moments avec l'enfant que je pensais partagés me sont enlevés. Et dans ce cas, comme l'enfant part avant ses 3 ans, les souvenirs de sa nounou ont peu de chances de rester dans sa mémoire. 
  • La rupture du contrat anticipée est une autre séparation difficile à vivre pour moi. Cela m'est arrivé une fois. Les parents n'arrivaient pas à respecter les horaires et plannings fixés au contrat et cela devenait invivable pour moi et leur enfant. J'ai dû les orienter vers une collègue plus près de chez eux et plus disponible. J'ai vécu cette séparation comme un échec, un abandon de l'enfant. J'ai été très triste et beaucoup affectée, cela malgré une bonne entente avec les parents même après la rupture.
  • La séparation la pire pour moi serait le retrait de l'enfant pour faute ou autre. Je pense que je ne me remettrais jamais de ce genre de rupture qui serait pour moi un échec de ma profession et une grosse culpabilité. 

Il est difficile de laisser partir un enfant vers de nouveaux horizons, ce départ laissant une place pour un nouveau avec lequel il faut recréer des liens, une confiance et un attachement. Et bien sûr, une nouvelle séparation... 

D’autres évènements plus difficiles à anticiper que l’entrée à l’école, comme les déménagements des familles par exemple, permettent moins de se préparer à cette séparation même si les processus psychiques en œuvre restent identiques.